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10 mai 2023, rencontre avec les élèves du lycée Diderot à Paris

mercredi 17 mai 2023, par Christian Travers

A l’initiative de la Ligue de l’enseignement, en la personne de Chloé Creoff, en charge des mémoires, a été organisée une réunion d’anciens acteurs de la guerre d’Algérie au lycée Diderot, dans le 19 ? arrondissement de Paris, le 10 mai 2023.

Lycée Diderot

par Christian Travers

En raison de son expérience dans ce domaine, Kamel Chabane, professeur au collège Gustave Flaubert, avait été chargé de réunir les intervenants. Membre éminent du collectif « Territoires vivants de la République », Kamel Chabane a publié sous ce titre son premier livre, suivi par un second, intitulé « Chaque élève compte ».
La coordination de cette rencontre était assurée au lycée par Aurélia Merle d’Aubigné, qui devait rassembler 3 classes de terminales dont une avec un programme de spécialité HGGSP (Histoire-Géographie Géopolitique et Sciences Politiques).
Deux professeurs chargés de ces classes, Madame Françoise Hounieu et Monsieur Olivier Demaret, ainsi que d’autres professeurs intéressés et deux autres membres de la Ligue de l’Enseignement ont également suivi nos interventions et le débat qui a suivi.
En fait, compte tenu de l’intérêt suscité chez les élèves par cette opportunité, c’est près de 150 élèves qui étaient attendus dans le grand et superbe amphithéâtre de ce beau lycée, mais nous n’en avons vu que la moitié environ…
Nous disposions d’un temps exceptionnel de trois heures pour cette séance (interrompue toutefois par une sacro-sainte récréation qu’on appelle désormais pause…) qui a été introduite par le film d’animation de Bastien Dubois, Souvenir, souvenir…

Les témoins 

- Rahim Rezigat, jeune militant FLN, emprisonné au Larzac puis insoumis, représentait les indépendantistes,
- Georges Morin, né à Constantine, président de Coup de Soleil, représentait les Européens d’Algérie,
- Messaoud Guerfi, qui s’était enrôlé comme harki pour soutenir sa famille après l’assassinat de son père par le FLN, représentait les supplétifs.
- Christian Travers était l’appelé de service.

Quelques thèmes soulevés par les questions et les interventions préalables 

 Complexité de cette guerre qui ne disait pas son nom :
D’abord appelée « événements » « opérations de maintien de l’ordre » « pacification » le terme de guerre n’a finalement été employé officiellement en France qu’à partir de 1999.
En Algérie on la qualifie « guerre d’indépendance » et plus encore « guerre de libération » voire même « révolution ».
Ce fut une guerre fratricide de part et d’autre de la Méditerranée :
- entre le MNA et le FLN en Algérie et en France, entre le FLN et l’ALN en Algérie, entre ceux qui ont rejoint le maquis et les harkis,
- entre l’armée française et l’OAS, en Algérie et en France, avec certains généraux et régiments et l’armée républicaine.

 Difficulté de l’engagement ou du non-engagement, et les regrets qu’ils peuvent déclencher
Pour les appelés français qui ont souvent été embarqués dans cette guerre malgré leurs convictions, qui ont pu être questionnés à la fois par leur sens moral, les exigences de la dignité humaine et aussi le devoir de répondre aux injonctions des gouvernements successifs de la République, élus démocratiquement. Pour les « musulmans d’Algérie » qui ont eu à choisir entre la nécessité de libérer leur peuple et leur territoire du système colonial, et l’amour qu’ils avaient pu néanmoins éprouver pour la France et les Français où ils comptaient des amis. Certains connaissaient la langue française, admiraient sa culture, redoutaient la rupture avec l’ordre établi et l’inconnu et pressentaient un changement de valeurs.
Pour les Européens d’Algérie et les juifs qui devraient quitter un pays qui était le leur depuis souvent de nombreuses générations et qui regretteraient toute leur vie les charmes d’un agréable mode de vie que favorisait le climat et pour la plupart la proximité avec la Méditerranée.
Pour les Harkis, souvent entraînés par le hasard et les circonstances et sans volonté réelle dans une direction qui n’allait pas dans le sens de l’histoire. Ils ont dû payer très cher leur décision ou leur manque de clairvoyance, que ce soit en Algérie ou en France.

 Importance de la confrontation des mémoires. Ou plutôt de la complémentarité de celles-ci pour contribuer à établir par le bas, un récit historique apaisé reconnu de part et d’autre de la Méditerranée qui permettra un jour au peuple algérien et au peuple français un rapprochement que les gouvernements n’arrivent pas à conduire contre tout bon sens.

 Utilité de la contribution des acteurs de cette guerre afin d’aider à forger une conscience citoyenne chez les élèves.
Notre expérience parfois traumatique peut aider les jeunes collégiens et lycéens à comprendre certains enjeux et nous espérons pouvoir les aider à bâtir un monde plus juste, plus solidaire, plus généreux et plus fraternel.

Pour nous, il s’agit :

 de favoriser l’esprit critique des élèves, de les conduire vers plus de lucidité et de responsabilité face aux dérives qui les guettent dans un monde où l’information honnête est difficile à décrypter.
 de leur rappeler les vertus de l’engagement de l’indignation et parfois de la révolte.
 de révéler les atrocités des guerres et convaincre les élèves des vertus de l’écoute et de la tolérance, qui constituent le chemin vers la paix qu’ils devront emprunter.
 d’indiquer que les blessures engendrées par la guerre d’Algérie restent socialement vives, que des contres vérités doivent être déconstruites, que celles-ci engendrent encore des fractures et un racisme qu’il est essentiel de combattre.

Christian Travers

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