Accueil > Actualité, presse, autres associations > A mes frères algériens

A mes frères algériens

vendredi 12 avril 2019, par Gérard C. Webmestre , Michel Berthelemy

par Meryem Belkaïd. Universitaire algéro-tunisienne

A ceux qui m’ont laissé marcher en paix, seule, un vendredi pluvieux de mars.

A celui qui comme moi, ému et silencieux, a marché pour la première fois il y a presque un mois et a vécu l’étreinte d’un bonheur rare et précieux.

A ceux qui m’ont fait la joie de marcher à mes côtés hier, m’interrogeant parfois du regard pour s’assurer que tout allait bien.

A celui qui sentant peut-être une légère appréhension à l’entrée du tunnel des facultés m’a rassurée. Ma takhafich, madame, raki m3a khawtek.

A l’autre qui sans raison particulière a complimenté mes foulards et mon keffieh, me laissant presque sans voix.

A celui qui m’a tendu des autocollants qui rappellent que la route vers la citoyenneté demande un effort commun : « Pour l’Algérie, lazem Netrabaw Ga3 »

A celui qui a pris une photo qui me laisse un beau souvenir de ces moments incroyables que nous vivons.

A l’ami croisé par hasard rue Didouche et avec qui l’on fait quelques pas rieurs en entonnant un ou deux Imazighen.

Aux amis qu’on ne parvient ni à joindre ni à retrouver. A ceux au loin qui envoient des messages et des pensées.

A celui, la vingtaine à peine, qui m’a regardée longuement, auquel j’ai souri et qui a osé un « khmouss 3lik », qu’à mon âge, qui est plus du double du sien, on ne refuse pas.

A cet autre qui sur plusieurs mètres a mis sa main sur mon épaule avant de se rendre compte, trompé par mes cheveux coupés court, que je n’étais pas un homme et avec lequel j’ai ri de bon cœur de sa méprise.

A l’autre qui était tellement beau que j’aurais aimé en prendre le portrait mais n’ai malheureusement pas osé.

A tous ces adolescents, pleins de vie qui courent follement pour exprimer leur joie.

Je ne sais comment vous vivez au quotidien d’être constamment traités d’idiots et de machos. Que l’on fasse de vous des portraits au vitriol, qu’on vous traite de violeurs patentés et de futurs patriarches irrécupérables. Je ne sais comment vous pouvez supporter que l’on vous fige autant et qu’on vous emprisonne dans des clichés aussi dégradants. J’ignore combien de temps il faudra pour que vous pansiez vos plaies et que vous vous libériez de cette violence symbolique qui depuis la colonisation n’a cessé de vous dessiner en pervers sauvages et sanguinaires. Je ne sais combien de temps encore le mépris d’une pseudo-élite éduquée durera. Mais nous sommes plusieurs bien décidé(e)s à ce que cesse aussi cette hogra.

A ceux qui nous ont insultées, qui rêvent de nous voir rentrer à la maison pour ne plus en sortir. A ceux qui ne savent pas exprimer leur confusion face à ce monde qui change, autrement que par la menace, le harcèlement et l’agression verbale. A tous ceux qui useront de la violence, de l’appel à la haine, nous attendons des lois que nous écrirons dans l’Algérie de demain qu’elles nous protègent clairement et qu’elles les condamnent systématiquement.

A celui qui croit sincèrement que nous avons aujourd’hui suffisamment de droits. Nous expliquerons nos revendications, dans le calme, ghir bessyassa.
Avec l’islamiste, à condition qu’il nous combatte sur le plan des idées et dans un état démocratique, nous acceptons de débattre car nous nous savons dans notre bon droit.

A tous ceux enfin, et ils sont plus nombreux qu’on ne le croit, qui pensent avec conviction que nous sommes leurs égales, bienvenue à nos côtés dans notre marche vers la liberté. Car, qu’on ne s’y trompe pas, le féminisme ne combat pas les hommes mais le Patriarcat. C’est de ce père symbolique, castrateur et omnipotent dont nous ne voulons pas. Ce système qui vous lèse, vous ses fils, autant qu’il nous nie, nous ses filles. C’est à une lutte acharnée, de chaque seconde que nous vous invitons. Pour la liberté, l’égalité des droits et l’autonomie.

Féministe n’a jamais été un aussi beau mot que lorsqu’il est porté par nous toutes et nous tous. Hommes et femmes, de tous âges, de toute appartenance ethnique et de toute condition sociale.

Meryem Belkaïd

https://www.huffpostmaghreb.com/entry/a-mes-freres-algeriens_mg_5ca88c58e4b047edf95ad447

https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=10210808630890481&id=1792143642&sfnsn=mo

Messages

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.