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Ancien déporté en camp de regroupement, Hammiche Djelloul témoigne

lundi 13 septembre 2021, par Michel Berthélémy

Agé de 75 ans, Hammiche Djelloul vit dans la montagne, à Sidi Djillali, à plus de vingt kilomètres au sud de la route nationale Cherchell-Ténès.
Au mois de mars 1959, il est conduit de force au camp de regroupement de Rhardous-Tamloul, accompagné de sa mère, son épouse, ses trois frères et sa sœur. Après les avoir chassés de leur maison, les militaires et les harkis ont tout brûlé.

Témoignage recueilli en janvier 2013 par Mohamed Rebah, chercheur en histoire à Alger

Hammiche Djelloul se souvient de cette terrible journée :

Je suis né à Bouyali, en pleine montagne. Comme tous les enfants de cette région des Ouled Larbi du douar Sidi Semiane, j’ai passé mon enfance et mon adolescence au milieu des chèvres que je conduisais dans les près. Devenu adulte avant l’âge, je suis descendu dans la plaine de la Mitidja pour travailler dans les fermes des colons. Je travaillais tantôt dans les écuries tantôt comme ouvrier agricole à la saison des vendanges. Des étoiles aux étoiles pour un maigre salaire. J’ai connu la misère.

Les maquisards de l’ALN, venus dans la région de Rhardous l’été 1956, ont demandé aux gens de ne plus travailler chez le colon. Ils m’ont confié des tâches de sabotages des poteaux téléphoniques et de surveillance des convois des militaires français.

Les harkis qui accompagnaient les soldats, lors des ratissages, volaient notre nourriture.

Au mois de mars 1959, après avoir tout brûlé sur leur passage, les militaires m’ont envoyé moi et ma famille dans un lieu appelé Tamloul, situé entre deux chemins, au sud de Sidi Semiane. Un vaste terrain entouré de plusieurs lignes de barbelés. On a pu emporter quelques effets, de la nourriture et du bétail (vaches et chèvres). Le reste a été la proie du feu. A Tamloul, des gens ont été amenés des hameaux environnants. Les familles étaient réparties en ilots. Les premiers jours étaient terribles. A la faim s’ajoutaient les brimades des harkis. On nous a permis de travailler dans un périmètre bien délimité. Au-delà, c’était la mort qui nous attendait.

J’ai assisté à la mort des enfants et des vieillards. Il y avait une infirmerie au camp, mais elle ne suffisait pas tellement il y avait de malades. Les trois fontaines installées à l’une des deux placettes ne suffisaient pas non plus.

Nous étions surveillés. Nous avions perdu l’intimité dans laquelle nous avions vécu à la montagne.

Malgré toute la surveillance des harkis et des militaires, des moudjahidines arrivaient à pénétrer dans le camp. Ils venaient se nourrir et se reposer et organiser la résistance. On arrivait à sortir de la nourriture à travers les barbelés que des relais faisaient parvenir aux maquisards restés dans la montagne.

En 1961, les militaires nous ont demandé de voter pour de Gaulle. Il y avait un bureau de vote au camp. Nous avons appris le cessez-le feu, au mois de mars 1962, par la radio.

A l’indépendance, en 1962, les responsables de l’ALN nous ont laissé le choix de retourner à nos lieux d’origine. Nombreux sont restés. Nous, nous sommes allés à Sidi Djillali, où je vous reçois.

Nous avons reçu l’aide de l’ALN les premiers jours sous forme de sacs de semoule. J’ai repris ma vie de paysan que je mène jusqu’à ce jour.

Hammiche Djelloul

Mohamed Rebah tient un blog sur les camps de regroupement :
https://nourhistoire.blogspot.com/

Mohamed Rebah est aussi l’auteur de « Des Chemins et des hommes », éd. Mille Feuilles, Alger, 2009

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