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Après un an de Hirak, qu’est-ce qui a changé en Algérie ?

dimanche 23 février 2020, par Gérard C. Webmestre , Michel Berthelemy

Un an après le début du Hirak, le politologue Chérif Dris estime que bien que le « système » ait démontré sa capacité de résilience, « le changement n’est pas impossible » en Algérie.

Professeur de sciences politiques à l’École supérieure de journalisme d’Alger, Chérif Dris analyse la stratégie du pouvoir en Algérie et celle du mouvement de contestation, le Hirak, au cours de l’année écoulée.
Propos recueillis par Madjid Zerrouky pour Le Monde.fr

Qu’est-ce qui a changé en un an en Algérie ?

La situation ne sera plus jamais comme avant. Pour plusieurs raisons. D’abord, une digue est tombée, celle de la peur. Les Algériens se sont réconciliés avec la politique. Il y a une réappropriation de facto de l’espace public, même si certaines lois liberticides empêchent les Algériens de s’organiser. Enfin, ce mouvement a dénudé le régime, il a révélé son incapacité à mobiliser ses soutiens pour torpiller le Hirak. Le fossé entre le peuple et le pouvoir s’est élargi et la contestation s’étend aussi au-delà du Hirak proprement dit.

Il y a par contre des choses qui n’ont pas changé. Le changement profond auquel aspiraient les manifestants, le changement de régime, n’est pas à l’ordre du jour. Il y a une résistance de la part du pouvoir, qui démontre sa capacité de résilience. Même si celle-ci a été mise à rude épreuve depuis le 22 février et qu’il y a des signes de fléchissement : les moyens traditionnels que le régime utilisait, comme la répression, la cooptation ou la redistribution de la rente, ont démontré leur inutilité. Quand bien même il voudrait réprimer, il ne le pourrait pas. Il sait très bien que la brutalité lui serait fatale

L’élection d’Abdelmadjid Tebboune est-elle une tentative du régime pour se régénérer, comme le dénonce l’opposition ?

L’élection s’est imposée comme l’option du pouvoir. Elle participe d’une démarche qui consiste à dire que si changement il y a, il doit venir d’en haut. Cette solution a été retenue comme la moins pire par les tenants du régime. Dès le départ, l’ancien chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah a appelé à l’application de l’article 102 [l’empêchement d’Abdelaziz Bouteflika]. Le message était clair : le commandement de l’armée était opposé à toute transition politique et à toute solution négociée. Dans la logique du régime, le pouvoir s’impose, il ne se négocie pas. L’élection du 18 avril devenant caduque, celle du 4 juillet incertaine, il fallait à tout prix aller à un scrutin avant la fin de l’année. La société a toutefois massivement boycotté l’élection.

Les conditions dans lesquelles le scrutin s’est déroulé montrent que le pouvoir n’avait aucunement l’intention d’aller vers une élection transparente qui aurait pu déboucher sur l’émergence d’une personnalité indépendante sur laquelle il ne pourrait pas avoir d’emprise. Il y a eu des initiatives de la part de la société civile et de la classe politique, des feuilles de route ont été proposées. Des acteurs politiques étaient prêts à s’aligner sur l’agenda du pouvoir et à aller vers une élection présidentielle, mais pas une présidentielle a minima. Il fallait qu’il y ait des préalables et des conditions de transparence, mais le commandement de l’armée ne voulait pas en entendre parler. Son message était : c’est à nous de proposer notre feuille de route et c’est à vous d’indexer votre feuille de route sur la nôtre. L’idée était que le régime se perpétue, qu’il n’y ait pas de rupture ; aller vers la stabilité, pas vers le changement.

Suite de l’interview sur : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/02/21/les-algeriens-ont-pose-les-premiers-jalons-d-un-sursaut-democratique_6030292_3212.html

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