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« C’était la guerre d’Algérie » : la déchirure...

dimanche 16 octobre 2022, par Michel Berthelemy

Ecrite par Georges-Marc Benamou et Benjamin Stora, cette série documentaire restitue avec finesse le contexte colonial qui préfigure le conflit et suit le destin de personnages emportés par le souffle de l’Histoire.

par Nathalie Funès, publié par L’OBS le 3 octobre 2022.

Il faut absolument regarder « C’était la guerre d’Algérie », série documentaire en cinq volets récemment diffusée sur LCP. Ne serait-ce que pour ces incroyables images d’archives : celles de Messali Hadj au Ruisseau, le grand stade municipal d’Alger, en août 1936, à l’occasion du premier Congrès musulman, organisé notamment par Ferhat Abbas et les oulémas, les religieux modernistes. Le père du nationalisme algérien et président de l’Etoile nord-africaine (ENA), fondée dix ans auparavant, s’apprête à faire son fameux discours. Il va se baisser pour ramasser une poignée de terre et la brandir en criant : « Cette terre n’est pas à vendre. »
Ces quelques minutes sépia éclairent la « préhistoire » de la guerre qui éclatera dix-huit ans plus tard ; tout comme les images de ces gamins algériens, en haillons, pieds nus, qui courent après un riche colon, en costume et en voiture ; ou celles du président Gaston Doumergue venu célébrer, en 1930, le centenaire de la conquête de la « plus belle des provinces » de l’Empire, grande comme cinq fois la France, « où nous avons tout créé, tout transformé » ; ou encore celles de Maurice Viollette, ancien gouverneur général de l’Algérie, surnommé « Viollette l’Arabe », qui avait eu l’audace de vouloir faire adopter, en vain, un texte de naturalisation de 24 000 musulmans (anciens combattants, caïds, notables…), une infime minorité sur une population de 6 millions de personnes. Les colons les plus puissants et les plus influents d’Algérie, vent debout, feront capoter le projet Blum-Viollette avant même qu’il ne passe à la Chambre des députés.

Deux peuples déchirés un temps mais liés à jamais par ce passé commun  
Ecrit par Georges-Marc Benamou et Benjamin Stora, à l’occasion du soixantième anniversaire des accords d’Evian (le 18 mars 1962), « C’était la guerre d’Algérie » entend retracer l’histoire de « deux peuples déchirés un temps mais liés à jamais par ce passé commun ». Le film consacre sa première partie aux cent vingt-quatre années ayant précédé la Toussaint rouge (1er novembre 1954) et réalise ainsi un exercice salutaire et hautement instructif. On ne peut pas comprendre la colonisation en Algérie si on ne raconte pas l’histoire par le début : la conquête sanglante, la dépossession des terres des populations musulmanes, le « code de l’indigénat »… La série a aussi pris le parti des archives visuelles, du récit linéaire et de la pédagogie historique.
On reste abasourdi par ces cinq heures qui racontent « les » guerres d’Algérie (celle, impitoyable, entre le FLN et les partisans de Messali Hadj, peu à peu éliminés, ou celle entre les jusqu’au-boutistes de l’OAS et les représentants de l’Etat français…), les tentatives de dialogue avortées (du Royaume arabe de Napoléon III à la trêve civile réclamée par Camus) et la radicalisation de ses acteurs, à commencer par le parcours de Jacques Soustelle, ethnologue, résistant, intellectuel pacifiste avant-guerre, nommé par Mendès France comme gouverneur général de l’Algérie au début de la guerre. On le voit, au départ, prôner l’égalité des droits et des devoirs, le rattrapage des inégalités scolaires et sociales, il confie même une mission à Germaine Tillion, la créatrice des centres sociaux. Il sera à la fin du conflit un des fervents soutiens de l’OAS. C’est l’un des « personnages » suivis par la série, avec Ferhat Abbas et Albert Camus, tous emportés par la tragédie de la guerre d’Algérie.

Série documentaire de Georges-Marc Benamou, écrite avec Benjamin Stora (2022), 5x52 min, accompagnée de débats.
Disponible en replay sur le site de LCP jusqu’au 12 juillet 2022

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