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Cet été 2015, ici-même, des poètes et des écrivains vont s’adresser à nous. Écoutons-les...

dimanche 5 juillet 2015, par Michel Berthelemy

La pause estivale est propice à une autre façon d’aborder les thèmes et les sujets que nous traitons toute l’année. Et si nous allions voir du côté des poètes, des écrivains, de ceux qui parlent du présent avec des mots et une émotion qui défient le temps ? Ceux qui parlent de l’Algérie et de la France, de leur histoire et de leurs peuples, avec des mots différents, des mots qui nous obligent à porter un autre regard sur les événements et les hommes...

Voici pour ouvrir cette pause estivale, un texte de Jean Amrouche, poète kabyle déchiré par la guerre d’Algérie, disparu en 1962, juste avant l’indépendance de son pays. On continuera, chaque semaine, par ceux dont vous avez envie de parler, ou de faire connaître. On attend vos propositions !

Le combat algérien

Aux Algériens on a tout pris
la patrie avec le nom
le langage avec les divines sentences
de sagesse qui règlent la marche de l’homme
depuis le berceau
jusqu’à la tombe
la terre avec les blés les sources avec les jardins
le pain de bouche et le pain de l’âme
l’honneur
la grâce de vivre comme enfant de Dieu frère des hommes
sous le soleil dans le vent la pluie et la neige

On a jeté les Algériens hors de toute patrie humaine
on les a fait orphelins
on les a fait prisonniers d’un présent sans mémoire
et sans avenir
les exilant parmi leurs tombes de la terre des ancêtres
de leur histoire, de leur langage et de la liberté

Ainsi
réduits à merci
courbés dans la cendre sous le gant du maître
colonial
il semblait à ce dernier que son dessein allait s’accomplir
que l’Algérien en avait oublié son nom, son langage
et l’antique souche humaine qui reverdissait
libre sous le soleil dans le vent la pluie et la neige
en lui.

Mais on peut affamer les corps
on peut battre les volontés
mater la fierté la plus dure sur l’enclume du mépris
on ne peut assécher les sources profondes
où l’âme orpheline par mille radicelles invisibles
suce le lait de la liberté

On avait prononcé les plus hautes paroles de fraternité
on avait fait les plus saintes promesses
Algériens, disait-on, à défaut d’une patrie naturelle
perdue
voici la patrie la plus belle
la France
chevelue de forêts profondes, hérissée de cheminées d’usines
lourde de gloire de travaux et de villes
de sanctuaires
toute dorée de moissons immenses ondulant au vent
de l’Histoire comme la mer
Algériens, disait-on, acceptez le plus royal des dons
ce langage
le plus doux le plus limpide et le plus juste vêtement
de l’esprit.

Mais on leur a pris la patrie de leurs pères
on ne les a pas reçus à la table de la France
Longue fut l’épreuve du mensonge et de la promesse non tenue
d’une espérance inassouvie
longue, amère
trempée dans les sueurs de l’attente déçue
dans l’enfer de la parole trahie
dans le sang des révoltes écrasées
comme vendanges d’hommes

le texte complet de ce poème est dans le document joint

Le combat algérien


Le combat algérien

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