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« Des Hommes » vu par d’anciens combattants : « Le film reflète parfaitement la chape de plomb sur la guerre d’Algérie »

samedi 5 juin 2021, par René Moreau , Gérard C. Webmestre

Le Parisien. 2 juin 2021 par Catherine Balle

« Des Hommes », qui sort ce mercredi retrace l’histoire de Bernard, appelé en Algérie et dont la vie a été broyée par cette guerre. Synecdoche Artémis Productions

Dans les salles ce mercredi 2 juin. Serge Drouot et René Moreau, qui ont combattu en Algérie, ont vu « Des Hommes », de Lucas Belvaux. Ils ont retrouvé dans le film un « reflet fidèle » de ce qu’ils ont vécu.

La torture, les viols, le silence et le traumatisme… Ce que raconte « Des Hommes », de Lucas Belvaux, ils l’ont vécu. Serge Drouot, 81 ans, et René Moreau, 86 ans, avaient 20 ans quand ils sont partis combattre en Algérie « pour la France ». Aujourd’hui, le premier est président de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie-Maroc-Tunisie (Fnaca), le second secrétaire de l’association des Anciens appelés en Algérie et leurs ami(e)s contre la guerre (4ACG). Invités à une avant-première de « Des Hommes », tous les deux ont été bouleversés par ce film.

Adapté d’un roman de Laurent Mauvignier, « Des Hommes » fait dialoguer le présent et le passé. L’histoire commence de nos jours, dans une fête de famille. L’incontrôlable Bernard (incarné par Gérard Depardieu) débarque à l’anniversaire de sa sœur (Catherine Frot) et, face à l’un des convives, laisse violemment éclater son racisme. À travers des flash-back et des voix off d’une incroyable puissance, on découvre que la vie de Bernard, comme celle de son camarade Rabut (Jean-Pierre Darroussin), a été broyée par son passage sous l’uniforme en Algérie. Magnifique, le long-métrage sonde l’expérience de ces individus et leurs stigmates, intimes et collectifs.

Mobilisé en Algérie entre 1960 et 1962 comme plus de 1,5 million d’appelés, Serge Drouot a retrouvé dans les séquences de flash-back un « reflet fidèle » du quotidien des soldats français sur le terrain. « Le film montre l’engrenage de la violence, mais sans voyeurisme », estime-t-il. Lui assure avoir eu « la chance de ne jamais tuer personne » et de n’être pas tombé dans une embuscade, mais il a su, sur place et par le récit de camarades, que les troupes pratiquaient la torture.

« Ouvrir un dialogue »

Pour Serge Drouot, le film montre, à travers la naïveté des personnages de Bernard et Rabut « jeunes », comment les soldats envoyés en Algérie ignoraient tout de la situation sur place. « On n’avait aucune conscience politique, souligne-t-il. Nos grands-parents avaient sauvé la France en 14-18, nos parents avaient gagné la Seconde guerre et nous, on nous a dit Vous allez ramener à la raison une poignée de rebelles qui sont en train de mettre à feu et à sang tout ce que la France, bonne et généreuse, a fait depuis 130 ans ! En arrivant en Algérie, je suis tombé de l’armoire en découvrant que les gens n’étaient pas habillés comme nous et n’avaient ni la même langue, ni la même religion, ni la même monnaie. »

« Le film reflète parfaitement la chape de plomb sur la guerre d’Algérie », insiste par ailleurs Serge Drouot. Avant d’évoquer cette phrase de la voix off, où Rabut confie qu’à son retour en France, il n’a « pas raconté » parce qu’« il n’y a pas de mots pour raconter ça ». Serge Drouot explique ce silence des anciens d’Algérie par le fait qu’« il a fallu attendre la loi de 1999 pour qu’on reconnaisse officiellement la guerre d’Algérie », mais aussi par la « honte » des anciens combattants après que l’opinion publique a appris les exactions commises par l’armée française.

Cette honte, René Moreau l’a ressentie si fort que lorsqu’on lui a proposé de toucher une retraite d’ancien combattant, il l’a d’abord refusée, considérant que « c’était de l’argent sale, entaché de sang »… Avant d’adhérer à l’association 4ACG, qui lui permet de reverser cette retraite à des associations en Algérie, en Palestine et au Maroc.

Comme Serge Drouot, René Moreau a échappé au « pire » en étant mobilisé dans l’intendance. Mais il est régulièrement au contact d’anciens soldats traumatisés. « Récemment encore, on a reçu le message d’un homme qui a dû exécuter des villageois algériens pour l’exemple en 1959. Il nous a écrit : J’en porte le remords tous les jours. J’aurais dû refuser d’obéir. J’avais 20 ans », lit-il avec émotion. Ce sont ces blessures secrètes, enfouies et pourtant indélébiles que « Des Hommes » retranscrivent « parfaitement », selon lui. René Moreau a, enfin, reconnu dans le personnage de Bernard le racisme qui a germé chez certains combattants français pendant la guerre : « Entre anciens d’Algérie, on se dit parfois que certains n’ont pas décolonisé dans leur tête… »

Le secrétaire de la 4ACG espère que « Des Hommes » permettra d’« ouvrir un dialogue ». « Alors qu’on célébrera en 2022 les 60 ans de la fin de la guerre d’Algérie, ce film va permettre de mieux appréhender la transmission de la mémoire intergénérationnelle », soutient de son côté Serge Drouot.

« Des Hommes », drame français de Lucas Belvaux, avec Gérard Depardieu, Catherine Frot, Jean-Pierre Darroussin… (1h41).

Catherine Balle

Source LeParisien.fr :

http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/des-hommes-vu-par-danciens-combattants-le-film-reflete-parfaitement-la-chape-de-plomb-sur-la-guerre-dalgerie-02-06-2021-5BKR7II4WRFC5LQRUK66RKBQMI.php

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