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L’Association Nationale des Pieds-Noirs Progressistes réagit au rapport Stora

mercredi 17 février 2021, par Michel Berthelemy , Jacques Pradel

Par une déclaration en date du 9 février, l’Association Nationale des Pieds-Noirs Progressistes et leurs Amis (ANPNPA) réagit au rapport Stora. Notre ami Jacques Pradel nous en communique ici le texte intégral.

Dans le rapport de Benjamin Stora au président Macron (rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie), on peut voir deux objectifs, l’un franco-français, l’autre vers l’Algérie.

Premièrement, un objectif essentiel est de faire évoluer le débat mémoriel en France 

Avec le recul du temps et face aux jeunes générations, essayer d’élaborer un récit commun qui soit acceptable par les différentes parties, et qui inclut tant que faire se peut la diversité des mémoires particulières. Cela concerne une partie importante de la population, anciens militaires français, harkis, bi-nationaux, Algériens de France, pieds-noirs et leurs descendances, plus toutes celles et tous ceux dont la vie aura croisé l’Algérie. Pour aller vers cet objectif, la démarche repose et s’appuie sur un outil majeur : dire et faire connaitre la vérité de ce que furent les horreurs de la colonisation et la guerre, pas la vérité de tel ou tel groupe mémoriel, mais la réalité des faits telle que forgée par les travaux des historiens.
Face à l’exercice, le rapport montre évidemment des lacunes, des insuffisances, de la complaisance, un excès de prudence dans la dénonciation des crimes coloniaux… D’où, normal, la quantité de réactions négatives, celles légitimes d’associations de victimes de l’OAS ou de Harkis, d’autres de commentateurs ne voyant là que compromission politique avec Macron, etc. ; et, normal aussi, de la droite et ses extrêmes, nostalgériques et consorts qui trouvent que ledit rapport en fait trop.

Deuxièmement, le rapport n’est pas qu’une affaire franco-française et permet d’ouvrir le débat aussi en Algérie

Il y est de fait très largement commenté, dans la société civile, les réseaux sociaux, la presse, les historiens, les associations, etc. ; notamment autour du thème « Les Algériens méritent eux aussi qu’on les consulte sur l’écriture de leur histoire », face à la pesanteur stérilisante du ‘roman national’ sans nuance au service de la légitimation du système en place depuis l’indépendance. A l’inverse, silence officiel du côté du pouvoir (le président Tebboune en Allemagne…), sinon de l’Organisation Nationale des Moudjahidine, officine gouvernementale reprenant l’exigence d’excuses et de ‘repentance’.

Dans sa lettre de mission, le président Macron disait sa « volonté nouvelle de réconciliation des peuples français et algériens ». Le rapport écarte l’hypothèse de l’écriture d’une histoire commune, tant les divergences sont fortes dans les mémoires et les imaginaires nationaux ; ne retenant pas la ‘repentance’, il prône travail de vérité et reconnaissance des crimes coloniaux. Alors qu’entendre par « réconciliation » ?

S’il s’agissait de réconciliation entre États, celle-ci servirait d’abord à légitimer le pouvoir en place en Algérie contre la formidable mobilisation populaire du Hirak (et accessoirement servirait les intérêts français en Algérie…). S’agissant des peuples, la réconciliation se heurte immédiatement aux pratiques discriminatoires menées quotidiennement en France à l’égard des « musulmans » ou supposés tels, ce qui se formalise au plan politique avec la préparation d’une loi sur le ‘séparatisme’, rebaptisée ‘sur les principes républicains’. Ceci cible concrètement les Algériens de France (au sens large, binationaux, descendants) mais résonne beaucoup sur l’autre rive.

"S’engouffrer dans la brèche"

En acceptant la mission confiée par Macron, Stora s’est embarqué dans une entreprise compliquée, l’historien recevant du coup l’étiquette de conseiller politique du président. Cela servira-t-il les plans de Macron en vue des présidentielles de 2022, de sourire par exemple à l’extrême droite comme certains le dénoncent à l’excès ? Quand bien même serait-ce le cas, l’entreprise à laquelle Stora s’est attachée est bienvenue, salutaire, en particulier parce que la publication du rapport, et en dépit de ses ‘insuffisances’, permet de faire que l’histoire de la France en Algérie déborde de la sphère des historiens spécialistes du domaine et soit mise en débat sur la place publique ; et ceci des deux côtés de la Méditerranée. Pour reprendre un mot d’Alain Ruscio : « Il faut s’engouffrer dans la brèche ouverte par Benjamin Stora ».

Le rapport se conclut par plus d’une vingtaine de ’préconisations’, lesquelles s’organisent autour de la principale : la mise en place une commission mixte franco-algérienne "Mémoire et Vérité" ; commission regroupant ‘personnalités’, chercheurs de différentes disciplines, animateurs d’associations, représentants de groupes mémoriels, etc., avec un secrétariat chargé d’assurer la mise en œuvre et le suivi des décisions prises. Plusieurs des préconisations particulières pour importantes sont symboliques (commémorations aux dates symboliques, hommage à l’Émir Abdelkader, panthéonisation de Gisèle Halimi…), d’autres sont plus que nécessaires (ouverture des programmes scolaires, libre accès aux archives…) ; toutes s’inscrivent dans la perspective d’une réconciliation mémorielle tant en France qu’entre les deux rives.

Qu’en fera le président Macron ?

Jacques Pradel, pour l’ANPNPA

Source : Déclaration de l’ANPNPA sur le rapport Stora – publié le 9/02/2021

http://www.anpnpa.org/?p=1380

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