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La France des colonies, de l’utopie à la tragédie

jeudi 5 décembre 2019, par Michel Berthelemy

Dans son numéro de décembre, la revue Ça m’intéresse Histoire publie un cahier de vingt pages intitulé « 1830-1939, la France des colonies, de l’utopie à la tragédie ». Les auteurs mettent l’accent sur quelques aspects essentiels à la compréhension du développement de la colonisation, concentrés en cinq têtes de chapitre, de la mission civilisatrice à la chanson coloniale.

. La mission civilisatrice. Le mouvement de « régénération » initié par la Révolution française, qui a permis de « civiliser » les enfants bretons, basques ou occitans, va s’étendre au-delà des frontières et tenter d’y imposer ses valeurs. « C’est la civilisation qui marche contre la barbarie », dira le général Bugeaud en 1841, en pleine phase d’invasion de l’Algérie.

. L’essor économique. Les intentions sont très claires. Un conseiller au commerce extérieur, cité dans La Dépêche coloniale en 1929, le dit sans ambages : « la colonisation n’est ni intervention philanthropique ni un geste sentimental. Que ce soit pour nous dans n’importe quel pays, c’est une affaire ».

. La hiérarchie des races. Théorisée par un certain Arthur de Gobineau, elle est relayée ainsi dans le Grand dictionnaire Larousse de 1865 : « c’est en vain que quelques philanthropes ont essayé de prouver que l’espèce nègre est aussi intelligente que l’espèce blanche. Un fait incontournable... c’est qu’ils ont le cerveau plus rétréci, plus léger et moins volumineux que celui de l’espèce blanche ». De son côté, Jules Ferry affirme que « les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures, celui de les civiliser ».

. Favoriser la paix sociale. Pour Ernest Renan, « la colonisation en grand est une nécessité politique... une nation qui ne colonise pas est irrévocablement vouée au socialisme, à la guerre du riche et du pauvre » (La Réforme intellectuelle et morale de la France, 1871).

. Briller dans le concert des nations. « Pour reprendre véritablement le rang qui lui appartient, la France se doit de ne pas accepter le repliement sur elle-même. C’est par l’expansion, par le rayonnement dans la vie du dehors, par la place qu’on prend dans la vie générale de l’humanité, que les nations persistent et qu’elles durent » (Léon Gambetta, 1872).

D’autres articles complètent ce florilège, notamment celui signé par Antoine Bourguilleau expliquant la façon de s’imposer en terre inconnue : par des massacres, des mises à sac, des destructions et incendies causés par une armée coloniale ne reculant devant aucune exaction pour l’emporter.
Balthazar Gibiat s’intéresse quant à lui au rôle primordial de l’Eglise catholique dans l’expansion coloniale, avec les Pères blancs et les religieuses chargé.e.s d’éclairer les autochtones et d’en faire des serviteurs dociles. Sur ce chapitre de l’éducation, citons à titre d’exemple cette instruction d’un inspecteur de l’enseignement en Afrique occidentale française (AOF), devenu par la suite directeur de l’école coloniale de Paris : « nous n’avons pas de temps à perdre, allons aux besognes essentielles. Dans les écoles de villages... le français sera simple et limité à l’expression d’idées courantes, à la désignation d’objets usuels sans raffinement de syntaxe, sans prétention à l’élégance ; et ce sera avant tout du français parlé. »

La chanson coloniale n’est pas en reste dans la vision qu’a l’occidental de « l’indigène ». Christelle Taraud décrypte tous les stéréotypes du genre, sexuels, racistes, sociaux, notamment « l’hospitalité sexuelle » censée régner dans les colonies.

Les auteurs n’oublient pas d’autres sujets tout aussi intéressants, comme la place consacrée aux expositions coloniales, dont celle de Paris en 1931, où sont exhibés des « indigènes ». A Paris, on a fait dans le grandiose : construction d’un musée des colonies, reproduction d’un temple cambodgien et d’une mosquée malienne grandeur nature.

Pour aller plus loin, la revue recense quelques ouvrages propres à éclairer le lecteur.

Ça m’intéresse Histoire, décembre 2019, 5,95 euros en kiosques et librairies.

Signalons d’autre part que plusieurs journaux et revues ont récemment consacré des articles à la situation en Algérie : Libération le 29 novembre, Le Monde daté des 1er et 2 décembre, et surtout cette excellente analyse du journaliste et écrivain Arezki Metref publiée dans Le Monde diplomatique de décembre où il souligne notamment que le mouvement actuel n’aurait pas été possible sans une victoire sur le traumatisme de la décennie noire (1992-2000), victoire qui a pour effet aujourd’hui de révéler une Algérie unie, toutes tendances confondues, toute entière portée par un souffle puissant de liberté et de paix.

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