Association des Anciens Appelés en Algérie et leurs Ami(e)s Contre la Guerre

Accueil > Actualité, presse, autres associations > Lancement du site « Alger 1957 - Des Maurice Audin par milliers (...)

Lancement du site « Alger 1957 - Des Maurice Audin par milliers »

dimanche 23 septembre 2018, par Michel Berthélémy

Au lendemain de la déclaration du président Macron reconnaissant que Maurice Audin a été torturé et tué par des militaires français, un site internet a été créé par l’Association Maurice Audin et le site histoirecoloniale.net, qui succède au site de la LDH Toulon que tenait François Nadiras. Avec le soutien de l’Humanité, Mediapart, Politis, Témoignage chrétien, El Watan, et les associations Mrap, LDH, Acca et Sortir du colonialisme, il publie plus de mille notices individuelles de « disparus », et appelle à apporter des compléments aux cas présentés et à en communiquer de nouveaux

Voici le texte qui figure sur la page d’accueil de ce nouveau site, http://1000autres.org/

Après soixante et un ans, le Président de la République française a reconnu officiellement que Maurice Audin a été torturé par des militaires qui l’avaient arrêté à son domicile et que sa mort a été rendue possible par un système légalement institué qui a favorisé les disparitions. Pour tous ceux qui ont lutté depuis 1957 pour faire reconnaître la vérité, c’est une grande victoire posthume pour l’historien Pierre Vidal-Naquet, le mathématicien Laurent Schwartz, les universitaires Madeleine Rebérioux et Gérard Tronel, engagés dans le Comité Maurice Audin (1957-1963) puis, depuis 2002, dans l’Association Maurice Audin.

Le meurtre de ce jeune mathématicien de 25 ans, grossièrement maquillé en évasion, fut loin d’être un cas isolé. Ce fut l’un des nombreux cas d’enlèvement, séquestration, torture, suivis souvent de mort, produits, à Alger, de janvier à septembre 1957, par un véritable système de terreur militaire délibérément instauré et rendu possible par des dispositions législatives adoptées par les institutions de la République française. Algérien d’origine européenne, Maurice Audin s’était rangé, avec le parti communiste algérien, du côté de la lutte d’indépendance de ce pays, dans un moment où l’ensemble de la population autochtone d’Alger était la cible d’une terreur visant à la dissuader de faire ce choix et à la maintenir par force sous la domination coloniale.

Il y eut alors des Maurice Audin par milliers…

C’est massivement que des hommes et des femmes ont été enlevés, détenus au secret, torturés, et pour certains l’objet d’exécutions sommaires. La seule victoire des responsables de cette terreur, ces « seigneurs de la guerre aux terrifiants caprices », selon les mots de Jean-Paul Sartre dans L’Express, à la publication de La Question d’Henri Alleg, est l’ignorance par l’opinion française de son bilan humain véritable et des noms mêmes de ceux qui ne sont jamais réapparus. Comme pour toutes les répressions de masse en situation coloniale, le statut politique des Algériens autorisait à la fois le recours à des méthodes universellement réprouvées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et l’absence complète d’attention au nombre et à l’identité des victimes. « Français musulmans » colonisés, sous-citoyens racisés, tout juste sortis officiellement de l’indigénat et dénués d’une existence politique réelle, ils étaient collectivement suspects de complicité avec une « rébellion » qualifiée d’« antifrançaise ». Ils formaient une population dépourvue de recours judiciaire et politique et de moyens d’alerter une opinion française peu disposée à s’inquiéter de leur sort. Quelques cas ont eu un écho. Ceux de Maurice Audin, d’Henri Alleg et de l’avocat algérien Ali Boumendjel, connu de juristes parisiens, torturé et « suicidé » par ses geôliers. Mais pas les autres, restés des invisibles dont le sort n’est jamais devenu une « affaire française ».

Un vrai républicain, Paul Teitgen, secrétaire général à la préfecture d’Alger, tenta, selon les mots de Pierre Vidal-Naquet, de « comptabiliser les vivants et les morts, ou plutôt les survivants et les disparus ». Mais les « 3 024 disparus » qu’il dénombra dans l’exercice de ses fonctions ne sont qu’un ordre de grandeur plausible, le sort des personnes enlevées par l’armée lui étant largement dissimulé par les militaires.

C’est dans ce contexte qu’une archive publique devenue accessible en 2017, sur laquelle a travaillé Fabrice Riceputi, est importante. Ce fichier, conservé aux Archives nationales d’Outre-mer (ANOM) depuis la fin de la guerre d’Algérie, dans le fonds d’un service de la préfecture d’Alger, fournit des informations sur une partie conséquente de la masse anonyme des « humiliés dans l’ombre » — selon les mots de Paul Teitgen à Robert Lacoste —, de la Grande répression d’Alger, appellation préférable à celle, impropre, de « bataille d’Alger ». C’est la source essentielle qui nous permet de publier ici des données sur plus d’un millier d’Algéroises et Algérois dont nous savons trois choses : ils furent arrêtés au cours de l’année 1957 par l’armée française ; leurs proches réclamèrent aux autorités de connaître leur sort, très souvent en vain ; beaucoup furent torturés et certains ne reparurent jamais.
Librement consultables, environ 850 « fiches de renseignement » remplies entre la fin février et le début d’août 1957 sont ce qui subsiste du fichier du Service des liaisons nord-africaines (SLNA). En septembre 1958, selon un bilan statistique conservé, il en aurait compté 2 049. A ces cas, nous avons ajouté plus d’une centaine d’autres provenant de sources différentes. En particulier du Cahier vert  , publié dans Témoignages et documents en octobre 1959, puis la même année dans Les Temps modernes et aux éditions La Cité, à Lausanne. Et de l’ouvrage L’Affaire des enseignants d’Alger, édité en 1958 par le Comité de défense des enseignants, qui contient de nombreuses plaintes officielles d’européens, communistes ou chrétiens progressistes, victimes et témoins de tortures, en mars et avril 1957, dans l’un des principaux lieux de terreur, la Villa Sésini.

D’où les plus de mille notices individuelles que nous rendons publiques au lendemain de la déclaration présidentielle du 13 septembre 2018 au sujet du sort de Maurice Audin et de l’institutionnalisation de la torture durant la guerre d’Algérie. Ces notices portent sur des personnes enlevées et séquestrées à Alger, en 1957, dont les proches ont cherché à avoir des nouvelles et dont certaines ne sont jamais réapparues. Leur nombre ne manquera pas de s’accroître lorsque d’autres cas documentés nous seront signalés. Cette publication est aussi un appel à témoignages, notamment vers une mémoire familiale que nous savons encore vive.

Puisse ce site contribuer à rendre justice à ces personnes et à mieux faire connaître un pan d’histoire trop longtemps occulté.

Quelques repères et documents :
En plus d’un premier ensemble d’un millier de notices individuelles concernant des personnes « disparues », dont certaines définitivement, à Alger en 1957, le site publie une première série de repères et documents, parmi lesquels :
. Les méthodes de l’armée française à Alger en 1957, par Raphaëlle Branche
. Le Cahier vert expliqué, par Pierre Vidal-Naquet (1959)
. L’Affaire des enseignants d’Alger, tortures à la Villa Sésini
. Les guillotinés de Barberousse en 1957, par Gilles Manceron
. Préhistoire de l’OAS, la violence « contre-terroriste » des européens ultras, par Alain Ruscio
. L’affaire Ali Boumendjel, par Malika Rahal

Les responsables du site 1000autres.org précisent que sont uniquement concernées les personnes victimes de la grande répression d’Alger durant l’année 1957. Le même travail est nécessaire pour l’ensemble de la guerre d’indépendance algérienne et pour l’ensemble du territoire algérien, mais le site 1000autres.org ne pourra pas publier les commentaires ou les messages qui ne concerneraient pas la région d’Alger et l’année 1957.


« Alger 1957 - Des Maurice Audin par milliers »

http://1000autres.org/


Photo : Paul Aussaresses, commandant à l’époque, chargé par Massu d’exécuter les « basses œuvres » avec son équipe de tueurs.

Messages

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.