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Nantes relit son passé pour mieux bâtir l’avenir…
Le Mémorial de l’abolition de l’esclavage
samedi 25 février 2012, par
C’est le 24 mars 2012 que sera inauguré à Nantes le Mémorial de l’abolition de l’esclavage.
En se retournant sur son passé, Nantes veut l’accepter, loin de la culpabilité ou de la repentance, pour comprendre, témoigner. Ce mémorial se veut un lieu de réflexion par la richesse de ses textes, un symbole pour davantage de tolérance et de respect des Droits de l’Homme.
Une promenade végétalisée de 7000m2, où s’échelonnent 2000 plaques de verre, 1710 d’entre elles portent le nom des navires et les dates des expéditions de traite, 290 autres les noms des comptoirs et des ports négriers en Afrique, aux Antilles, en Amérique et dans l’océan Indien.
Dans le passage souterrain, on lira la déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le mot « Liberté » écrit dans une cinquantaine langues, et sur une immense plaque de verre des textes provenant des différents continents concernés par la traite négrière : lois, témoignages, œuvres littéraires, chants, textes fondamentaux de l’abolitionnisme…
S’ensuivent quelques documents pour situer historiquement et géographiquement cette traite atlantique.
Ce mémorial sera inauguré le 24 mars 2012
« L’esclavage fait partie de notre histoire. Nantes fut le premier port négrier français au 18e siècle. La ville fonda alors une partie de sa richesse sur cet odieux trafic que nous reconnaissons aujourd’hui comme un crime contre l’humanité. Pendant longtemps, Nantes a détourné le regard de ce passé jusqu’aux années 1990, où nous avons décidé de le regarder en face. Nous l’avons alors exhumé, exploré, analysé, compris, assumé. Nous avons ainsi libéré notre mémoire. L’exposition Les Anneaux de la Mémoire, en 1992, fut le symbole de cette prise de conscience collective. Assumer un tel passé, sans esprit de repentance, permet aujourd’hui de mener nos combats les yeux grands ouverts. Le Mémorial porte cette volonté politique forte. Il ne s’agit pas d’un nouvel acte de contrition, mais bel et bien d’un appel à se souvenir des combats passés pour se projeter dans l’avenir, lutter contre toutes les formes d’esclavage moderne et d’aliénation des droits de l’Homme afin de construire un monde plus solidaire.(…)
Je forme le vœu qu’il devienne ce lieu de connaissance et de conscience pour les plus jeunes générations. Alors le Mémorial aura tenu ses promesses : il sera ce lieu vivant de ralliement et d’engagement collectif pour perpétuer la mémoire des combats passés et poursuivre notre lutte pour la reconnaissance et la promotion des droits de l’Homme. »
Jean-marc Ayraut, maire de Nantes.
Un peu d’histoire…
Ce sont les portugais (en 1441), puis les hollandais, qui initièrent ce triste et honteux trafic. En1594, la première expédition négrière française a eu lieu.
Puis en 1626 la déportation d’esclaves vers les colonies françaises est autorisée, et c’est en 1642 que Louis XIII autorise la traite.
Ce commerce à partir de la France s’est vraiment organisé en 1672, depuis Bordeaux.
Pour établir les droits des colons sur leurs esclaves, garantir la paix sociale dans ces territoires et la rentabilité économique de ce trafic, « code noir » est promulgué en 1685 par Louis XIV. Dans ce texte, le terme de « meuble » est attribué aux noirs déportés ! Merci à monsieur Colbert, qui l’a préparé !
C’est dans la première partie du XVIIIéme siècle que la traite des noirs a connu son apogée, grâce aux efforts financiers de l’état français : primes accordées aux navires négriers avant leur départ, puis une prime pour chaque captif débarqué au sud de Saint Domingue….
Et en 1791, l’assemblée constituante française confirme l’autorisation de l’esclavage dans les colonies !
Parmi les dix-sept ports français qui ont pratiqué la traite négrière ( La Rochelle, Le Havre, Bordeaux, Saint-Malo…), c’est la ville de Nantes qui a été la plus active : entre 1707 et 1711, 75 % des navires négriers en partaient.
A Nantes, du quai de la Fosse, c’est 1427 expéditions négrières qui furent armées, à partir de 1672 , ce qui représente 40% de l’ensemble de la traite française. Les principaux armateurs nantais sont Michel, René et Jean Montaudoin, Luc Shiell, Mathurin Joubert, Jean Terrien et Sarrebouse d’Audeville.
Si l’abolition de la traite négrière pour les Français fut décrétée en 1815 (Napoléon), confirmée par une ordonnance en 1817 (Louis XVIII), elle continua de prospérer clandestinement. Entre 1815 et 1830, presque tous les maires de Nantes ont été des négriers.
Au cours du XVIIIe siècle, 450 000 noirs furent transportés par les bateaux nantais. Ce trafic ne prendra fin qu’en 1831, mais entre 1814 et cette date, malgré l’interdiction de la traite, 50 000 noirs seront clandestinement acheminés vers les colonies.
Nantes sera en France la dernière place forte de la traite, celle-ci prit réellement et définitivement fin lors de la proclamation en France de l’abolition de l’esclavage, en 1848.
Les conditions de la traite…
Les termes « Commerce triangulaire » sous-entendent des traversées entre l’Europe, les côtes africaines et l’Amérique ( Antilles, Brésil, Guyane…). En même temps, ce trafic touchait aussi l’Océan Indien, en particulier l’île de la Réunion et l’île Maurice.
Les éléments de cette traite sont bien connus. Quelques rappels ci-après.
Après avoir été organisée par les Portugais essentiellement, puis des métisses, ce sont les africains eux-mêmes qui fournissent les captifs pour la traite : captures à la guerre, enlèvements, règlements de tributs et d’impôts, dettes, punition pour crimes, abandon et vente d’enfants, asservissement volontaire…
La traversée, de un à trois mois selon l’itinéraire et la destination, durait 66/67 jours en moyenne. Les conditions étaient inhumaines. Les captifs étaient enferrés par deux, couchaient nus sur des planches, entassés dans des espaces calculés comme suit : dans un « tonneau d’encombrement » (170×160×53) on pouvait placer deux à trois adultes sur les bateaux français, et jusqu’à 5 sur les bateaux portugais.
Durant ces traversées difficiles, les pertes humaines, variables, atteignaient en moyenne pour les négriers nantais 12 à 13% des captifs.
Teophilus Conneau témoigne ainsi en 1854 : « Deux des officiers ont la charge d’arrimer les hommes. Au coucher du soleil, le lieutenant et son second descendent, le fouet à la main, et mettent en place les Nègres pour la nuit. Ceux qui sont à tribord sont rangés comme des cuillères, selon l’expression courante, tournés vers l’avant et s’emboîtant l’un dans l’autre. À bâbord, ils sont tournés vers l’arrière. Cette position est considérée comme préférable, car elle laisse le cœur battre plus librement. »
Partis avec des textiles, des armes, des vins et spiritueux, des matières premières brutes, des produits semi-finis ou finis, des articles de parures et de cadeaux, de l’eau et des vivres…., les négriers rentraient en Europe avec de l’or de la canne à sucre, du tabac, du coton… produits précieux et rares correspondant à la vente des esclaves et à leur commerce régulier.
Un long travail de recherche…
Il a été difficile pour les historiens de se mettre d’accord sur des chiffres. Actuellement, ils semblent s’accorder sur le nombre de 27 233 expéditions négrières entre 1595 et 1866.
Selon Eltis , on arriverait à un total de 11 062 000 déportés et de 9 599 000 esclaves introduits dans les Amériques entre 1519 et 1867 ( chiffres donnés en 2001).
Joseph Inikori indique en 2002 qu’environ 12 700 000 Africains avaient été déportés à travers l’Atlantique.
Des chiffres qui font frémir.
Offrez-vous une visite virtuelle dumémorial.
PS:l’association « Les anneaux de la Mémoire » avait organisé en 1992 à Nantes une grande exposition sur la traite négrière et l’esclavage. Des salles du musée du Château des Ducs sont consacrées à ce thème.
Quelques photos de cette exposition, trouvées sur le site des Anneaux de la Mémoire.
Cette association met aussi à disposition des panneaux d’exposition pour les collèges.