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Un ancien aumonier militaire australien donne son avis sur les interventions en Irak et en AFghanistan .

Le témoignage de Père Michael TAYLOR

Depuis il a rejoint l’association des vétérans pacifistes australiens Stand Fast .

mercredi 27 mai 2009, par Gérard C. Webmestre

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L’opinion qui suit n’est pas celle d’un prêtre devenu anti-militariste après avoir été aumonier militaire, mais seulement un témoignage qui dénonce l’absurdité des interventions en Irak et en Afghanistan et qui pose en outre une question fondamentale à laquelle nos adhérents n’apportent pas tous la même réponse : le terrorisme peut-il être vaincu par des moyens militaires ?

Témoignage du Père Mickaël TAYLOR, le 1er mai 2009.
Chers amis,

Merci pour votre sympathique accueil.

Je suis prêtre catholique, curé de la paroisse de Ingham North, Queensland. Je suis issu d’une famille de militaires (mon père a servi dans divers bataillons de la ‘Royal Australian Regiment’ de 1946 à 1977. Il a combattu en Corée, à Malaya, au Vietnam). J’ai moi-même rejoint l’armée comme soldat en 1979. Je fus libéré en 1982 et entrepris de me préparer au sacerdoce.

Ordonné prêtre à Townsville en 1989, je fus nommé aumônier militaire en 1990. J’ai servi dans diverses unités un peu partout en Australie, jusqu’au jour de ma démission en septembre 2007. J’ai assisté à l’opération militaire sur l’île de Bougainville (avec Chip Henriss-Andersen) en 1997, et je fus le seul aumônier à apporter un soutien à l’ADF [1] lors du conflit Irak-Koweit (août 2004 –mars 2005).

J’ai une haute estime pour le militaire australien et je lui apporte mon soutien. Ces dernières années, j’ai beaucoup fait pour les soldats, qu’ils fussent des appelés de fraîche date ou des généraux à deux étoiles.

En 2003, j’ai clairement protesté, par l’intermédiaire de l’Eglise catholique, contre le manque de motifs pour l’invasion de l’Irak. En fait, j’ai écrit une brève qui été publiée dans ‘L’Australian’ en mars 2003 :
« Je sais où se trouvent les armes de destruction massive. Elles sont avec les enfants dans la cour ! ». C’était horrible de voir notre nation engager des vies humaines sous de faux prétextes. Il convient de noter que feu le pape Jean-Paul II protesta contre l’imminente invasion, déclarant catégoriquement que les raisons étaient immorales. La ‘coalition des pro-oui ‘ déclencha l’invasion 48 heures plus tard.

Oui, j’ai servi lors de l’opération Catalyse et j’ai travaillé en Irak pendant la période où - loin d’être ‘mission accomplie’, comme le proclamait le président Bush - la rébellion s’étendait et le pays connaissait l’escalade de la violence et du carnage.

De nouveau, je ne remets nullement en cause le sens du devoir, le courage, la professionnalisation de nos soldats. Ma tâche était d’aider à en prendre soin, et de faire de mon mieux pour assurer leur retour chez eux, auprès de ceux qui leur sont chers et de leurs familles. J’étais profondément troublé par le fait qu’on ne rapportait pas et qu’on méconnaissait les suicides et les tentatives de suicide parmi les soldats américains. Mon propre travail m’a conduit auprès de ceux qui étaient dans une grand détresse et un très grand trouble. C’est insupportable pour un garde national de ne pas connaître la date de son retour à la maison.

Les troupes australiennes elles-mêmes ne sont pas restées indemnes. Comme vous le savez la chaîne "FOUR CORNERS" a diffusé récemment « La guerre vue de l’intérieur ». J’étais l’aumônier dont Millman parla brièvement quand il décrivit l’assistance ( ou son manque) apportée après une série d’incidents traumatisants. L’ADF n’est pas équipée pour traiter les traumatismes (ceci n’est pas une critique de l’ADF : nous ne pouvons travailler qu’avec ce dont nous disposons). La responsabilité est du seul ressort du gouvernement australien. Rien de ce que j’ai vu en Irak ne m’a convaincu de la légitimité de l’invasion. La démocratie, telle que nous la concevons, ne peut pas fonctionner là-bas, comme elle ne pouvait le faire du temps des Tudor en Angleterre.

Je me sens profondément concerné par la guerre en Afghanistan, en particulier par le manque de débats – comme ceux qui ont habituellement lieu en Australie. Je crains fort pour nos jeunes soldats : beaucoup ne perçoivent pas ou ne comprennent pas l’étendue de ce qui est mortel. C’est comme en 1914, quand c’était glorieux de partir en opération( c’est à dire à la guerre). Je crie et je grince des dents chaque fois qu’à la télévision on annonce qu’un autre soldat est mort en Afghanistan, portant le total à…Comme s’il s’agissait d’un score important, et non parce qu’un autre jeune vie a été fauchée…pour rien. Le terrorisme est répugnant, un mal. Mais il ne sera pas détruit par des moyens militaires. Le Premier Ministre est conscient qu’un jour la guerre en Afghanistan deviendra impopulaire. Je me demande seulement combien de linceuls il faudra remplir pour que les Australiens disent « ÇA SUFFIT ! ». Les partis politiques ne sont pas menacés par les pertes éventuelles de troupes, mais seulement par la perte éventuelle de « sièges » ou l’élimination du gouvernement.

Pour ma part, je suis également concerné par le silence de la Conférence épiscopale australienne à propos de cette question. Je ferai mon possible pour faire connaître la question aux évêques et éclairer leur conscience, une fois de plus.

Merci de m’avoir lu jusqu’au bout ..mais j’ai pensé qu’il valait mieux que vous sachiez quel a été mon parcours jusqu’à ma position d’aujourd’hui.

Amicalement

Père Michael Taylor

Curé de la paroisse d’Ingham . Diocese de Townsville

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[1Force de Défense Australienne

[2Remerciements à Jean Miossec pour la traduction

[3original text in English Here

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