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Lettre à la 4ACG d’une nouvelle adhérente
jeudi 9 janvier 2020, par
Le 2 janvier 2020
Chers Amis, pour la plupart inconnus
Madeleine et Jean-Marie sont des amis de jeunesse et nous nous sommes connus dans la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne). C’est grâce à eux que j’ai eu connaissance de l’Association 4ACG, de sa détermination, de ses actions et de son livre « Guerre d’Algérie, Guerre d’indépendance ». Puis j’ai décidé d’adhérer à l’esprit qui guide ce livre et vos actions.
Lors de sa réception, la lecture des premières pages de votre livre m’avait profondément bouleversée : pour moi aussi, la guerre d’Algérie avait commencé le 1ᵉʳ novembre 1954 et non comme j’allais l’apprendre, le 8 mai 1945 : jour-même de la célébration de la Libération en France !
De famille à la fois française et allemande – alsacienne exactement – mon arrière-grand-père et mon grand-père ont connu les deux guerres mondiales, mon père la deuxième (comme « Malgré nous », c’est-à-dire des Alsaciens incorporés de force dans l’armée allemande). Et si j’avais été un garçon, j’aurais été appelé pour aller en Algérie.
Votre livre date de 2012 ; il se trouve qu’en cette même année 2012, ma mère – d’origine allemande – fêtait son 90ᵉ anniversaire. A 89 ans elle s’est mise à écrire son parcours de vie, que nous les enfants, avons mis en forme et lui avons offert pour son 90ᵉ, donc en cette même année 2012 !
Au dernier paragraphe de la page 81 du livret, elle écrit :
« A Riedisheim nous avions tout à coup des soldats français dans la cuisine. Je ne savais pas et découvrais que nous avions été libérés par des Nord-Africains…
…Grandes salutations. Joie de reparler le français. Le père de Jean est allé chercher une bouteille de vin à la cave, a sorti son fils de sa cachette, a apporté des verres : VIVE LA FRANCE ! Jamais de ma vie je n’avais tant tremblé, trinquant, un verre dans la main et chuchotant à l’oreille de Jean “maintenant je ne pourrai plus rentrer à la maison, n’est-ce pas ?” Et il en sera ainsi, et cela durera plusieurs longues années. »
(ces événements se situent en décembre 1944).
Vous comprenez ma stupéfaction et mon trouble devant la simultanéité de la Libération vécue et célébrée en France, et le point de départ d’une autre guerre, menée par la France dans un autre pays, dont de surcroît des hommes avaient contribué à cette Libération !
Par ailleurs, mon mari et moi avons passé six ans en Haïti (1995-2001) dont l’histoire est elle aussi chargée et rude de colonialisme, d’esclavage et de guerre ; qui a payé sa libération avec des années d’isolement international et la punition de la dette imposée par le vaincu au vainqueur ! Les conséquences ne s’effacent pas… elles sont plus facilement « invisibilisées » d’un côté de l’océan que de l’autre. Et le Devoir de Mémoire peine encore à prendre sa place des deux côtés.
À tous les militants de la 4ACG, très grand merci pour votre travail de réparation et de construction de la paix dans la longue durée.
C’est si nécessaire par les temps qui courent.
Et bien sûr à tous et toutes, bonne année 2020 !
Marlyse T., adhérente 4acg