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Lettre culturelle franco maghrébine 61

lundi 10 janvier 2022, par Anne Doussin

L’association "Coup de Soleil" nous fait partager régulièrement livres et films "coup de cœur". Voici des extraits de sa lettre de décembre.

EDITO : Nous ajoutons à nos meilleurs vœux quelques titres de livres et films dont nous espérons qu’ils éveilleront agréablement votre intérêt :
Trois films, c’est dans la lettre une exception ; « Ne nous racontez plus d’histoires ». Nous y avons ajouté « La vie d’après » d’Anis Djaad et « Ziyara » de Simone Bitton, en espérant que vous les verrez bientôt.
Pour vous proposer des textes eux aussi un peu exceptionnels, nous en avons choisi trois, qui sont de nature poétique (ce qui ne veut pas forcément dire qu’ils sont écrits en vers) : Ce sont « Les Chants d’octobre » suivi de « Les yeux d’Andalousie » de Mohammed Yefsah, un recueil de Souad Labbize qu’on ne peut rencontrer sans en admirer le titre : »Glisser nue sur la rampe du temps ». Un grand et beau livre particulièrement impressionnant de Abdellatif Chaouite, qui a l’art d’unir indissolublement philosophie et poésie : « Chaleur, Patio de mémoire » Et parce qu’il est bon de rendre hommage à au moins un écrivain que sa mort a fait entrer dans notre patrimoine, ce sera Rachid Mimouni, pour le retour à son œuvre qu’on trouvera dans le recueil : « Relire Rachid Mimouni ». En ces temps de fêtes, Michel Wilson n’allait pas oublier l’apport de la BD et même de la plus célèbre d’entre elles puisqu’il s’agit de Tintin. Il nous parle d’un livre de Louis Blin qui analyse dans toute sa complexité la manière dont les « Tintin » représentent le monde arabe. Notre vœu le plus cher : Que vous trouviez dans les livres tout ce qu’ils sont capables d’apporter, ils sont inépuisables.
Denise Brahimi

Les livres

« CHANTS D’OCTOBRE » suivi de « LES YEUX D’ANDALOUSIE » par Mohammed Yefsah , L’Harmattan, 2021

L’auteur nous propose ici un ou plutôt même deux textes poétiques, nous prouvant par là que même s’il n’est pas seulement poète (nous avons déjà commenté dans La Lettre son travail universitaire), il l’est aussi, et de belle manière.../...
Pour le dire un peu vite ou de manière un peu brutale, chacun des deux « recueils » représente une des sources fondamentales de l’inspiration poétique qui sont, pour la première, la révolte et le combat et pour la seconde l’amour et le regret de ce qu’il a été. A quoi il convient d’ajouter qu’ il y faut à la fois un ou des événements d’origine, inscrits dans une réalité que l’auteur a vécue au plus proche de lui-même ; mais aussi, et ce deuxième point est sans doute le plus important, un dépassement presque immédiat de cette insertion dans la réalité, amenant l’auteur à exprimer des sentiments et des réflexions qui n’ont plus à être situés dans l’espace et dans le temps.

« GLISSER NUE SUR LA RAMPE DU TEMPS » par Souad Labbize, éditions Blast, 2021

il s’agit, comme le dit le sous-titre, d’un « récit en fragments » et d’un récit en prose, composé en effet de sept fragments, dont chacun a son titre (« Blanche », « charbon », « verte » etc), celui-ci n’étant pas directement éclairant sur le sens de la narration qu’il introduit.
Comme autre indice que la poésie n’est pas loin et qu’elle est même tout à fait présente, chacun des fragments est précédé d’une sorte de court poème, une strophe dirait-on, de quatre à six vers en moyenne, qui donne le ton sans prétendre expliciter le sens.
Force des femmes dans la transmission et force aussi dans la « sororité » dont les fragments donnent plusieurs exemples. On voit une femme du Sud algérien sauver une Syrienne et tenter de lui assurer par son aide une survie très précaire ; on en voit une autre permettre à une Algérienne d’aller avorter en Tunisie, ce qui n’est pas possible dans son propre pays. Le sujet, typiquement féministe, est ici d’autant plus intéressant ou doublement intéressant que la Tunisie dans laquelle l’avortement doit se passer est à ce moment même agitée par le souffle d’émeutes politiques violentes, vraiment révolutionnaires. Et c’est par ce moyen que Souad Labbize rattache des problèmes qu’on a coutume de considérer comme typiquement féminins à tout ce qui fait la vie d’un pays ou lui assure des chances de survie.

« CHALEUR PATIO DE MEMOIRE » par Abdellatif Chaouite, éditions A plus d’un titre, 2021
L’essentiel du livre consiste dans des réflexions groupées autour de thèmes assez nombreux qui finissent par constituer globalement une pensée assidûment reprise et développée, l’auteur s’interrogeant d’ailleurs sur ce qu’il en est du « ressassement ».
Abdellatif Chaouite insiste beaucoup sur la diversité des langues dans lesquelles il a été amené à baigner pendant toute la période marocaine de sa vie et il le fait avec une évidente nostalgie de toute cette richesse qu’il a perdue depuis lors. On a d’ailleurs le sentiment que l’écriture de ce livre, « Chaleur Patio de mémoire » est en grande partie destinée à retrouver quelque chose de cette originalité langagière qui a été pendant des années la forme personnelle de son rapport au monde. Non pas certes en donnant par écrit dans son livre un échantillonnage par juxtaposition de cette diversité et multiplicité, mais de façon beaucoup plus inventive et intime.

« RELIRE RACHID MIMOUNI, ENTRE HIER ET DEMAIN », Dir. Patrick Voisin, collab. Amel Maafa, Classiques Garnier, 2021

Le livre est un recueil de vingt-cinq articles environ, écrits par des universitaires sur un auteur algérien disparu prématurément et dans des circonstances tragiques, puisque mort à 50 ans pendant la tristement célèbre décennie noire qui a été funeste à nombre d’écrivains. Pendant sa trop courte vie, Rachid Mimouni a eu le temps d’écrire plusieurs romans (et quelques nouvelles ou essais) qui ont tous été considérés comme des œuvres majeures, consacrés pour l’essentiel à l’histoire de l’Algérie indépendante, c’est-à-dire à son évolution rapide voire terrifiante, et bien différente de celle que beaucoup sinon tous avaient espérée. Son titre le plus parlant à cet égard est « La Malédiction », paru en 1993, deux ans avant sa mort mais celui de son premier grand roman.

« LE MONDE ARABE DANS LES ALBUMS DE TINTIN » de Louis BLIN (avril 2021 L’Harmattan coll Comprendre le Moyen Orient)

Pour qui comme l’auteur de cette chronique n’a pas ouvert d’album de Tintin depuis de longues années, et est donc resté sur l’émerveillement très premier degré face aux exploits de son héros préféré, la lecture d’un ouvrage savant (mais très accessible !) tel que celui-ci est un peu un désenchantement. L’auteur, docteur en histoire et arabisant, spécialiste du monde arabe contemporain, désosse sans pitié et dans les moindres détails les fautes, les erreurs, les actes manqués et autres approximations dont le bon Hergé a parsemé les quatre albums se déroulant en « terre arabe ».

Les films

« NE NOUS RACONTEZ PLUS D’HISTOIRES ! » film par Ferhat Mouhali et Carole Filiu Mouhali

Ce film que les deux (jeunes) réalisateurs ont dédié à leurs parents est en effet pour une bonne part un retour sur le passé, animé par un désir de connaître la vérité, comme l’indique le titre de l’organisme pour lequel ils ont travaillé : « VraiVrai films ». Leur propos apparaît avec plus de précision encore dans le titre de leur film, dont le ton est assez véhément et qui ne manque pas d’une belle fermeté. Les « histoires » dont il est question dans ce titre sont justement le contraire de l’Histoire vraie qu’ils recherchent après avoir constaté qu’ils en ont toujours été privés.

Voir notre article sur le site 4acg.

« LA VIE D’APRES » film d’Anis Djaad 2021

Il s’agit d’une mère et de son fils adolescent dont l’histoire va prouver que pour l’un comme pour l’autre la vie est devenue à peu près impossible après l’assassinat de leur mari et père. De celui-ci il ne reste qu’une photo, transportée comme un bien précieux au cours de ses tribulations par Hadjer la mère devenue veuve, et donc chargée d’élever seule un garçon Djamil qui a tout juste 16 ans.
On les voit d’abord mais pas pour longtemps dans un village de l’ouest algérien où ils arrivaient à vivre très modestement, jusqu’au moment où ils sont victimes d’une campagne de calomnie et de la méchanceté de certains villageois. Il leur faut donc prendre le bus et partir pour la ville la plus proche, Mostaganem, où ils vont tenter de reconstruire une vie dite normale.

« ZIYARA » film de Simone Bitton 1er décembre 2021,

Ce film est un long métrage purement documentaire, c’est-à-dire qu’il ne comporte aucune fiction. Il décrit un voyage de la réalisatrice dans un Maroc qui est souvent celui de petits villages voire de hameaux peu habités au point de paraître abandonnés alors qu’ils ne le sont pas. Mais il est vrai qu’ils ont perdu depuis une soixantaine d’années une bonne partie de leur population qui était juive et qui est partie en masse au moment de l’indépendance du Maroc, jusqu’en 1967 environ. Après cette date, ce sont des Marocains musulmans qui ont maintenu le souvenir des Juifs disparus, notamment en entretenant les nombreux cimetières qu’ils ont laissés derrière eux

Messages

  • Malika Rahal vient de publier : "" Algérie 1962 : Une histoire populaire "

    En Algérie , l’année 1962 est à la fois la fin d’une guerre et la difficile transition vers la paix .Mettant fin à une longue colonisation française marquée par une combinaison rare de violence et d’acculturation , elle voit l’émergence d’un Etat algérien
    L ’année 1962 est scandée par trois moments :
    1 -cessez-le-feu d’Evian du 19 mars
    2- Indépendance de juillet
    3-proclamation de la République algérienne le 25 septembre
    L ’intérêt de ce livre réside dans la façon dont la période a été vécue
    Emerge une histoire populaire largement absente des approches classiques : en faisant place au désespoir des Français d’Algérie dont le monde s’effondre - désarroi qui nourrit la violence de l’OAS - elle relate le retour de 300 000 réfugiés algériens de Tunisie et du Maroc , la libération des camps de concentration , les conflits entre Armée des frontières et combattants de l’Intérieur
    Le livre débute par la tragédie qui s’est jouée à Oran le 5 juillet 1962
    Une fresque sans équivalent de bout en bout passionnante

    D’autant plus que quelquefois nous sommes contemporains de faits que nous avons complétement ignorés , que savions-nous ? ou que la presse en a donnés un compte-rendu partisan .
    J ’ai pris beaucoup d’intérêt à lire le livre de Malika Rahal et je pensai qu’il pouvait être signalé à la 4ACG
    Interrogeons-nous sur ce passé algérien qui est aussi le nôtre

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