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Paix

mercredi 26 août 2020, par Michel Berthelemy

Extraits de Sang du peuple, le toujours de la patrie, de Nordine Tidafi
Nordine Tidafi, journaliste et poète, a collaboré notamment à France-observateur et aux Temps modernes, il est mort en 1990.

Paix sur les transhumances, aux feux près du fleuve épuisés
Paix au fellah distrait par l’odeur des sillons
Paix au marcheur Chergui, ami des forêts et de l’oiseau sans nid

Paix aux premières fiancées, attentives au pas
Paix aux yaouleds des places et des souffrances adultes
Paix à nos femmes près du puits, à leur ruban de joie

Paix au docker bougiote, le dos livré à l’aube
Paix au vagabond sans besace, dans le jour arrêté
Paix au fugitif, surpris à l’approche des villes

Ils sont l’herbe neuve sous le ciel ennemi

Paix sur les criques de Collo, au bruit de soie déchirée
Paix au saisonnier du Sersous jusqu’au soir sur Vialar
Paix sur Djidjelli au parfum de liège entêté

Paix sur la Mitidja frileuse et ses orangers oubliés
Paix toute musicale sur le cèdre vif de l’Ouarsenis
Paix sur Chiffalo au goût de sel dans le jour continué

Ils sont la justice de ma terre à ses premières syllabes

Paix à Guelma féminine et Tebessa la jalouse
Paix sur mon Zaccar définitif, cadet immédiat du Djurdjura
Paix sur Alarengo aigüe dans la vérité des vendanges

Paix sur Tlemcen l’Insoupçopnnée, égrenant ses jardins
et Mascara la haute, lascive sur ses prairies
Paix sur Perrégaux aux prénoms de pastèques
Pais sur Arzew ouverte en bracelet d’épousailles

Paix sur Bel-Abbès rentrée de ses tambours sanglants
Paix sur Ghardaïa reculée, rauque dans son exil
Paix sur Cherchell dispersée à l’heure des poudrières
Paix sur les monts du Dahra, frissons et gloires associés

Paix au courage réuni des tribus et du Sud
Paix à l’angoisse reconnue au réveil des fourrés
Paix au Sang National l’hiver surgi des grottes

Paix aux nuits pleines d’ombres de cris et de corbeaux
Paix sur les brunes N’Mancha et les Aurès lyriques
Paix sur ma Patrie qui monte au milieu des fusils

Paix sur Miliana la douce pleurant A li-la-Pointe et Maillot
rejoints dans la fraternité des sillons
Paix sur Iveton nommé à l’aube sale des polygones

Paix à mes frères emportés, sang reconstruit fibre à fibre
Paix à mon peuple absolu, Paix-peuple
Algérie de Djamila Bouhired, guitare déchirée au-dedans d’une rose
Algérie des soirs magiques en Fadhila Drif enchaînée
Algérie de Germaine Guerrab, de Toury d’Ameziane

Ils sont le vent national après la dignité du jour

Algérie des larmes
Algérie de la croix et des menottes, des bottes et des paras
Algérie d’hier, capitale du mépris
Algérie des fusillés face à la mer qui les vit naître
Algérie des bourreaux jurant de s’éblouir
Algérie du plus difficile d’être algérien que colon
.....
Algérie des nuits partisanes
Prépare ta voix pour le tortionnaire, le mouchard
le flic et le traître
Frappe et frappe dans ta volonté de frontière
Frappe jusqu’à la justice de haute écume
Pour la Tribu déracinée hors du cheval et du code
Pour le fellah voûté, déjà griffes contre terre
pour l’ouvrier sans chemise, converti en rides
pour l’enfant aux côtes pâles, d’école et de joie affamé
pour l’étudiant traîné au mur des polices racistes
…..
pour chaque larme écoutée, chaque mot retenu
pour chaque odeur de haine, chaque soif enfoncée
pour chaque soleil perdu, chaque plaie à peine vieillie
pour la liberté insultée, pour toute la terre volée
…..

Publié dans « Espoir et Parole », poèmes algériens recueillis par Denise Barrat Lierre et Coudrier Editeur, 1992 -(1re édition Seghers, 1963)

http://excerpts.numilog.com/books/9782907975681.pdf

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