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SNU. Communiqué de la commission 4ACG contre la guerre

lundi 10 avril 2023, par Bernard Bessac

Concernant le Service National Universel (SNU) les informations se succèdent sans toujours se montrer cohérentes. Un certain flou existe, tant dans l’organisation que dans les financements éventuels. Notre ami Bernard Bessac, responsable de la commission Contre la guerre, fait ici un point provisoire de la situation (avril 2023).

Le service national universel ? l’adjectif universel est un peu présomptueux : seuls les jeunes de nationalité française sont concernés et non pas l’univers entier. L’adjectif est certainement utilisé pour montrer que personne ne peut y échapper, contrairement à l’ancienne conscription à côté de laquelle on pouvait espérer passer à condition d’avoir le « piston » adéquat. Cette notion d’universalité sert à mettre en avant l’idée de brassage social qui serait théoriquement vécue lors du SNU.

Mais la belle idée avancée par le futur président de notre république lors de sa campagne semble rencontrer de multiples difficultés pour réaliser un SNU « expérimental » basé sur le volontariat, et par voie de conséquence, encore plus difficile avec un SNU rendu obligatoire et qui impliquerait 800 ?000 jeunes chaque année.

Difficultés sur le plan technique

Elles sont décrites dans le rapport récent (60 pages) remis à la commission des finances du Sénat le 8 mars 2023 https://www.senat.fr/rap/r22-406/r22-4061.pdf avec une synthèse de 6 pages https://www.senat.fr/rap/r22-406/r22-406-syn.pdf .
Ce rapport se place dans la perspective d’un SNU qui deviendrait obligatoire pour toute la classe d’âge 15-17 ans (environ 800 ?000 jeunes). Il recense les difficultés, les impensées techniques quant à cette mise en œuvre :
– ?32 ?000 jeunes se sont portés volontaires en 2022 alors que le gouvernement en attendait 50 ?000, avec un objectif 2023 de 64 ?000,
– ?le brassage social laisse à désirer : 33% des volontaires sont issu-e-s des salariés en uniformes (police, armée, pompiers…) alors qu’ils ne représentent que 2% de la population. De plus, les quartiers populaires sont sous-représentés (5% des volontaires alors qu’ils représentent 8% de la population). D’autre part, les jeunes sont les premiers à être concernés par la pauvreté (selon l’INSEE, en 2019, le taux de pauvreté chez les moins de 18 ans est de 20,2% contre 14,6% pour l’ensemble de la population),
– ?les lieux d’hébergements sont très insuffisants pour 800 ?000 jeunes (en quantité et en qualité) et risquent d’exiger une budgétisation dépassant largement les prévisions,
– ?la formation des encadrants (et qui encadrera ?) va demander plus de temps que prévu et plus de moyens humains, donc un budget conséquent.

Difficultés sur le plan financier  

Qui va payer ? deux options sont envisagées par l’exécutif ; elles concernent surtout la phase 1 du SNU, dite « séjour de cohésion » lorsque celui-ci deviendrait obligatoire : le choix que devra alors faire l’exécutif sera de déterminer si cette phase 1 se déroule sur le temps scolaire ou non.
Les conséquences de ce choix sont importantes sur l’organisation et le financement du SNU : si c’est sur le temps scolaire, ce sera certainement le ministère de l’Éducation nationale qui fournira l’essentiel du budget (c’est la préférence de la secrétaire d’État, Sarah El Haïry, dédiée au SNU). Si c’est hors temps scolaire, alors ce serait plutôt le ministère des Armées. Ce choix génère certainement des conflits entre les deux membres de l’exécutif (sur ce sujet les deux articles du Canard enchaîné du 29 mars en pièces jointes).
Le budget envisagé, pour un SNU obligatoire et en vitesse de croisière, est de 2 milliards d’€, au moins, ce qui n’est pas une mince affaire. Mais on peut penser, avec les besoins de financements non prévus (formation des encadrants, lieux d’hébergement des jeunes…), que ce budget sera largement dépassé.

Difficultés sur le plan politique 

En dernier ressort, ce sera le président de la république qui tranchera sur le SNU pendant le temps scolaire ou en dehors, obligatoire ou pas. Ce choix, éminemment politique, aura de multiples conséquences : réorganisation partielle de l’éducation nationale (comment faire avec les deux semaines d’heures de cours déversées dans le SNU) ou des armées, ou des deux.
De plus les premiers retours d’expérience sur le SNU montrent que les jeunes ne sont pas du tout enthousiasmés, c’est le moins que l’on puisse dire. Or, dans le cadre sociétal et politique actuel, l’exécutif y va sur la pointe des pieds lorsqu’il s’agit de la jeunesse. Donc, la décision est délicate et elle ne sera peut-être pas prise tout de suite, attendant d’hypothétiques jours meilleurs.

Les non-dits du SNU  

Le SNU se déroule dans un département qui n’est pas le département de résidence de l’adolescent (afin de le « dépayser » !). Qui va payer les voyages aller-retour ?
Si le SNU devenait obligatoire pour la classe d’âge 15-17 ans, quelles sont les sanctions envisagées envers celles et ceux qui ne s’y soumettraient pas ? Dans les premières moutures du SNU, il était envisagé d’interdire à ces réfractaires de passer le bac et le permis de conduire. Largement de quoi foutre en l’air toute une vie, de pousser ces jeunes vers une marginalité. Est-ce toujours d’actualité ? Est-ce la bonne méthode pour inculquer le civisme, le respect de l’autre et l’engagement ?

De toutes façons, forte des expériences désastreuses des anciens appelés en Algérie, la 4ACG se positionne sur son refus de la guerre et de tout ce qui peut y contribuer, entre autres la militarisation des adolescent-e-s.
C’est bien mal connaître la jeunesse que de penser qu’elle a besoin d’un SNU pour s’engager dans la société. Nombre d’entre eux le font déjà de manière naturelle, non contrainte, par choix personnel, intelligente (engagements dans les associations humanitaires, écologiques…). Les financements envisagés pour le SNU seraient bien plus utiles sur des causes éducatives et pacifiques (la paix, ça se prépare aussi !).

https://www.ouest-france.fr/societe/service-national-universel/entretien-rien-nest-arbitre-pour-le-snu-selon-sarah-el-hairy-qui-refute-un-recul-de-lelysee-28e31e74-ce3f-11ed-bbf3-e1e726281547
et
https://www.politis.fr/articles/2023/03/snu-le-gouvernement-recule-face-a-la-pression-de-la-jeunesse/

Loi de programmation militaire 2024-2030 : la décision de ne pas faire porter le financement du SNU par le ministère des Armées a été officialisée mardi 4 avril. Mais ce n’est probablement pas un renoncement. Qui va payer ? L’Éducation nationale, si la décision de le rendre obligatoire sur le temps scolaire est prise ? D’autres institutions ? N’oublions pas que Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée du SNU agit sous l’égide du ministère des Armées et du ministère de l’Éducation nationale (décret de nomination : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046113532?isAdvancedResult=&page=1&pageSize=10&query=secr%C3%A9taire+d%27%C3%89tat+charg%C3%A9e+de+la+Jeunesse+et+du+Service+national+universel+nomination&searchField=ALL&searchProximity=&searchType=ALL&tab_selection=all&typePagination=DEFAULT


Quelques déclarations éclairantes sur le rôle que l’exécutif entend faire jouer au SNU
 

Le 4 septembre 2022, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, déclare : « Il y a un avant et un après 24 février », date du déclenchement de la guerre en Ukraine, « la question de la résilience du pays, en cas de conflit ou de choc majeur, préoccupe les militaires, ils savent très bien qu’ils auront besoin du soutien de tous pour remplir leur mission… en cas de menace hybride ou de crise, les réserves peuvent […] permettre aux armées de monter en puissance. »
Et il ajoute, le 24 septembre, au Forum Normandie pour la paix, dans l’abbaye aux Dames, à Caen (Calvados) : « la leçon de l’Ukraine, c’est que c’est un peuple résilient. Il faut qu’on réfléchisse à une dimension nouvelle du Service national universel : comment prendre une classe d’âge et la préparer à tous ces risques ? Je pense qu’il y a un chemin autour de la vérité et du partage des contraintes. C’est ça la résilience. ».
Le 9 octobre 2022, l’Asaf (Association de soutien à l’armée française) annonce : « L’Asaf entend prendre part activement à la montée en puissance du SNU en contribuant, avec ses moyens, à aider à “gagner la guerre avant la guerre” » (cf. général d’armée Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées).

Deux articles récents qui laissent penser qu’en haut lieu on a décidé de ne rien décider et de conserver pour l’instant le SNU sur la base du volontariat et donc en dehors du temps scolaire :

https://www.ouest-france.fr/societe/service-national-universel/entretien-rien-nest-arbitre-pour-le-snu-selon-sarah-el-hairy-qui-refute-un-recul-de-lelysee-28e31e74-ce3f-11ed-bbf3-e1e726281547
et
https://www.politis.fr/articles/2023/03/snu-le-gouvernement-recule-face-a-la-pression-de-la-jeunesse/


Pour rappel, le texte collectif d’octobre 2019 dont la 4acg était signataire

Le Service national universel que le gouvernement veut rendre obligatoire pour les jeunes de 16 ans

Une opération de soumission de la jeunesse : il s’agit d’inculquer un esprit d’obéissance aux règles, un respect absolu des normes… Règles et normes qui, pour la plupart, ne visent qu’à perpétuer les inégalités et injustices inhérentes à l’organisation actuelle de la société. Cette volonté de soumission passe aussi par un contrôle renforcé, notamment à travers la mise en fiches de tous les jeunes de 16 à 25 ans ; on sait comment ce genre de fichier peut être utilisé ! Volonté de soumission, enfin, car elle ne reconnaît comme « engagement » des jeunes que les dispositifs étatiques.

La remise en cause des droits des travailleurs et travailleuses : les jeunes du SNU seront utilisé/es pour remplacer des emplois aujourd’hui occupés par des employé/es qui ont un salaire, une convention collective ou un statut, la possibilité de s’organiser syndicalement, des droits individuels et collectifs. Avec le SNU, chaque année, 800 000 jeunes seront exploité/es, sans aucun de ces droits, pour des durées variables ; ils et elles seront très vivement encouragé.es à poursuivre leur « engagement volontaire » par un service civique, dans les mêmes conditions de précarité.

Des dépenses considérables : 6 milliards €/an, selon un rapport sénatorial de 2017. Ces milliards seraient bien plus utiles pour le service public de l’Éducation, qu’aux mains des militaires !

Le renforcement de la militarisation. Encadrement militaire, levée du drapeau, chant guerrier, uniforme, parcours du combattant, raid commando, etc. contribueront à l’endoctrinement des jeunes. La propagande visera à banaliser encore plus le rôle de l’armée, alors que celle-ci est en pointe dans la répression, sur le territoire français, dans les colonies et diverses régions du monde. Sans surprise, il n’est nullement question dans le programme de pacifisme, de non-violence, ni de remise en cause du rôle de l’armée.
Le gouvernement nous dit : Il faut que les jeunes s’engagent. Mais c’est déjà le cas ! Ils et elles s’engagent pour lutter contre le racisme, pour que cesse la destruction de la terre, pour défendre leur droit à étudier, pour le partage des richesses, pour le droit au logement, pour l’égalité des droits et contre les discriminations, etc.
Ce n’est pas à l’État de les forcer à s’engager !
Comment peut-on parler d’apprendre la citoyenneté, lorsqu’on confie l’encadrement à l’armée (qui, par ailleurs, n’était pas demandeuse) ?

Non au SNU ! Abrogation du SNU !

Campagne unitaire contre le SNU : Union pacifiste, Union syndicale Solidaires, Solidaires Étudiant.e.s, ASSO-Solidaires, SUD éducation, SUNDEP Solidaires Sud Enseignement privé, Solidaires Jeunesse et Sports, Fédération SUD Collectivités Territoriales, Fédération Éducation de la Confédération Nationale du Travail, Émancipation tendance intersyndicale, Mouvement National Lycéen, Fédération Indépendante et Démocratique Lycéenne, Fédération nationale de la Libre Pensée, Droits Devant !!, Ni guerres ni état de guerre, Causes communes, Anciens Appelés en Algérie et leurs Ami(e)s Contre la Guerre, Réseau des Centres de Recherche, d’Étude et de Formation à l’Animation et au Développement, Mouvement de la paix, Parti Communiste des Ouvriers de France, Europe Écologie – Les Verts, Fédération Anarchiste, Union Communiste Libertaire, L’insurgé, Les Jeunes écologistes, Union des Jeunes Révolutionnaires, Union Prolétarienne ML, Unité Communiste de Lyon, Groupe libertaire Jules Durand, Radio-Libertaire, Revue Silence, Arc-en-ciel théâtre réseau coopératif.

Pour rejoindre le collectif : nonsnu lists.riseup.net

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