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« Souvenirs d’enfance de la guerre d’Algérie : une entrée douloureuse dans la modernité. », par Mohammed Matmati
samedi 3 avril 2021, par
Denise Brahimi, Maître de conférences à l’Université Paris VII-Denis Diderot, où elle enseigne la littérature comparée et notamment les littératures francophones, a fait une présentation de ce livre, publiée dans la lettre culturelle franco-maghrébine# 53, et dont voici des extraits.
"L’auteur de ce livre est né dans l’est de l’Algérie en 1946, c’est dire que la période de la guerre d’indépendance correspond à son enfance et à son adolescence, qui sont souvent des années, et c’est son cas, où les souvenirs s’inscrivent dans la mémoire avec une grande fraîcheur et efficacité, leur permettant de perdurer toute une vie. La période de la guerre et les lieux où Mohammed Matmati l’a vécue, forment un massif central au cœur du livre, qui cependant ne se borne pas à les évoquer.
Il commence son livre par une longue évocation de type historique consacrée à la « petite Kabylie » qui est sa région et qu’il replace aussi bien dans la géographie que dans le temps…/…
Mohammed Matmati a vécu ces années-là dans les deux grandes villes de l’Est algérien, Constantine et Bône-Annaba, villes sur lesquelles il ne manque pas d’apporter un grand nombre de renseignements, et l’on pourrait presque dire quartier par quartier. C’est l’avantage du récit autobiographique sur toute espèce de livre d’histoire, si détaillé soit-il. Celui-ci–ci est d’une grande fraîcheur parce que l’auteur réussit à restituer ce qu’était son regard naïf d’enfant curieux et intelligent —évitant le plus souvent d’y mêler des jugements rétrospectifs, sauf lorsqu’il s’agit d’introduire dans son récit de véritables petites monographies pour l’instruction du lecteur, comme par exemple celle qu’il consacre aux Juifs de Constantine, dans le sous-chapitre intitulé « La ville de Constantine et les Juifs ». L’auteur ne sous-estime pas l’importance de son apport personnel, d’autant qu’il a manifestement un grand plaisir à revenir sur ses souvenirs, mais il a aussi pour méthode de les utiliser comme supports ou points de départ pour élargir les connaissances dont il fait part généreusement.
Entre 1957 et 1962, plus les années passent et plus grandit dans ses souvenirs la place tenue par la guerre. D’une manière qu’il faut saluer, il est à la fois totalement engagé pour la cause du FLN et de l’indépendance, mais jamais violent dans l’invective et la dénonciation, alors même que son récit fait apparaître les exactions révoltantes de l’armée française. Sur les méfaits de l’OAS il n’est pas moins clair et détaillé, sans doute parce qu’en 1961-62, il est déjà un grand adolescent, étant né, rappelons-le, en 1946. D’ailleurs, tout le chapitre consacré à ces années-là s’intitule « La maturité dans la guerre ». Aussi a-t-il pu vivre pleinement et en toute conscience la joie de l’indépendance en juillet 1962…/…
Les quelques réflexions qu’il présente en guise de conclusion ne sont pas moins claires et dignes d’intérêt. Ayant constaté à la suite du récit précédent à quel point tout son passage à l’âge adulte se trouve imbriqué dans les années de guerre, il s’autorise à remonter dans les périodes antérieures et s’interroge sur les erreurs regrettables commises par la colonisation. Il en ressort qu’il ne peut se résoudre à condamner ni la France ni la République sans autre forme de procès. D’ailleurs il apporte lui-même, évidemment brièvement, des réponses à ses questions, et l’on ne peut qu’apprécier le mélange dont il fait preuve de fermeté et de modération.
Denise Brahimi
SOUVENIRS D’ENFANCE DE LA GUERRE D’ALGÉRIE
Une entrée douloureuse dans la modernité
Mohammed Matmati
Ce livre est disponible aux éditions L’Harmattan.
Date de publication : 15 février 2021