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Relations France-Algérie : de l’eau dans le gaz

lundi 13 février 2023, par Michel Berthelemy

De toute évidence, les relations entre l’Algérie et la France connaissent un nouveau creux de vague. L’exfiltration par Paris, depuis Tunis, de l’opposante franco-algérienne Amira Bouraoui a provoqué une vive réaction d’Alger, qui a rappelé pour consultation, le 8 février, son ambassadeur en France. La raison de la colère : Amira Bouraoui a participé activement au Hirak, ce vaste mouvement de protestation qui a enflammé l’Algérie en 2019 et 2020. L’exécutif algérien a, semble-t-il, décidé d’éradiquer toute trace de ce soulèvement populaire qui a fait trembler sur ses bases son pouvoir autocratique, et de poursuivre tous ceux qui l’ont soutenu.

Six mois après la visite d’Emmanuel Macron, suivie quelques semaines plus tard de celle d’Élisabeth Borne accompagnée d’une quinzaine de ministres, l’incident jette un froid soudain sur les relations entre les deux pays, capable de mettre à mal cette « dynamique de progression irréversible » voulue à l’époque par les deux parties. Tout serait-il à refaire ? Le « couple » France-Algérie s’apparente décidément au mythe de Sisyphe, qu’a popularisé en son temps un autre Algérien, Albert Camus. Quoi qu’il en soit, le ministre des Affaires étrangères algérien constate un « grand dommage » aux relations bilatérales, tandis que le quotidien algérien El Moudjahid estime que « ce énième geste inamical va troubler le climat serein » qui présidait récemment aux relations entre les deux pays. Pour le quotidien L’Expression, proche du pouvoir algérien, le « grand espoir suscité par la visite du président Macron est réduit à zéro ».

Une Algérie « ?en pleine escalade sécuritaire ? »

Dans une interview au Monde Afrique du 10 février, le chercheur algérien Mouloud Boumghar, professeur en droit public à l’Université de Picardie, estime que le pouvoir algérien,« en pleine escalade sécuritaire », est entré dans « une phase dictatoriale » : remise en cause du pluralisme, accusation de terrorisme envers l’opposition, militarisation et chauvinisme conservateur assumés. Il en voit les signes dans les procédures engagées contre plusieurs partis politiques et associations, dans une pression très forte sur les médias indépendants, mais aussi « dans les centaines de détenus d’opinion et le nombre important de poursuites pénales et d’interdictions de sortie du territoire… » En bref, « ce qui est criminalisé ici, est la revendication même du Hirak ».

Pour Mouloud Boumghar, « le Hirak a eu un impact extrêmement fort sur la société algérienne, et le régime n’a pas réussi à reconstituer sa clientèle et sa base sociale ».
Ce même numéro du Monde Afrique nous explique comment « l’Algérie bascule dans une nouvelle ère ». Les opposants sont obligés de fuir, l’exil pour beaucoup étant une question de survie. Toute manifestation d’opposition, ou même de désaccord, étant réprimée, ils sont des milliers à partir, déchirés à l’idée de quitter leur pays, leur famille et les amis. Ils vont en France, en Europe ou au Canada, où vit déjà une importante communauté algérienne.

« On était bien plus libres sous Bouteflika »

Cette réflexion désabusée d’un journaliste traduit une réalité vécue par nombre d’Algériens. La dissolution récente de la Ligue algérienne des droits de l’homme, succédant à celles plus anciennes du RAJ (Rassemblement Action Jeunesse) ou de SOS Bab-el-Oued, entre autres, sont les signes d’une radicalisation qui laisse de moins en moins de place aux libertés collectives et individuelles…

Dernière minute : on apprend, ce lundi 13 février, que la mère et la sœur d’Amira Bouraoui viennent d’être arrêtées. La mère, Khadidja âgée de 71 ans, aurait été « transférée » à Annaba pour y être entendue par le procureur. Une réplique à l’« exfiltration » d’Amira ?

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/09/entre-l-algerie-et-la-france-le-retour-des-tensions-diplomatiques_6161122_3212.html#xtor=AL-32280270

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/10/l-algerie-est-entree-dans-une-phase-dictatoriale_6161280_3212.html

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/10/du-hirak-a-la-repression-l-algerie-bascule-dans-une-nouvelle-ere_6161333_3212.html

Note

Photo : Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune

Messages

  • Merci pour cette triste actualité. Comme des millions de nos concitoyens algériens, et aussi incroyable que cela puisse paraître, nous en arrivons à penser que nous étions mieux sous l’ère Bouteflika.
    Le grand drame c’est que demain peut être pire qu’aujourd’hui.....Les conséquences de la gestion désastreuse dans de nombreux secteurs, le réchauffement climatique, un contexte international tendu...
    Une note optimiste : le peuple algérien a un potentiel incroyable, une intelligence et une mémoire remarquable qu’il a amplement démontré pendant le Hirak. Il saura se relever de ces heures sombres.

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