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A l’Institut du monde arabe, un musée gazaoui dans les nuages

mercredi 6 décembre 2023, par Gérard C. Webmestre

Le collectif Hawaf, qui participe à l’exposition parisienne « Ce que la Palestine apporte au monde », dessine les contours d’un musée virtuel à Gaza.

Expositions, jusqu’au 31 décembre 2023.

Par Roxana Azimi

« Paix pour Gaza, paix paix paix ! » Cette supplique, accompagnant une vidéo prise lors d’un atelier récréatif organisé pour les enfants, à l’hôpital Al-Ahli, constitue les derniers mots de l’artiste palestinien Mohamed Sami Qraiqa, 24 ans, publiés le 17 octobre sur Instagram, avant sa mort sous les bombardements. Avec treize autres plasticiens, le jeune homme avait participé à l’Atelier du nuage, un grand panorama réalisé à l’initiative du collectif Hawaf (« marges », en arabe), visible jusqu’au 31 décembre dans l’exposition « Ce que la Palestine apporte au monde », à l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris.

La toile, cousue à Gaza, représente un grand nuage bleuté, traversé d’une volée de marches que parcourent sans entraves des hommes et des femmes. « Le nuage, c’est une image réconfortante quand on est enfant, on rêve de s’y blottir et de s’y endormir. C’est aussi le cloud, où l’on conserve les données numériques », explique Salman Nawati, cofondateur du collectif qui a vu le jour à Gaza, à l’initiative de trois artistes et d’une architecte.

Tout commence en 2021, lorsque le plasticien franco-algérien Mohamed Bourouissa décide de monter un projet avec des artistes de l’enclave palestinienne. De ses discussions zoom avec Salman Nawati, l’artiste Mohamed Abusal et l’architecte Sondos Al-Nakhala, émerge l’utopie d’un musée, virtuel dans un premier temps, pour protéger le patrimoine archéologique, historique et artistique de cette langue de terre sous embargo. « On ne peut pas avoir de musée physique, à Gaza, ce serait impossible à protéger dans un contexte de siège, où surgissent des conflits au minimum tous les deux ans », raconte Salman Nawati, qui imagine alors la formule de Sahab (« nuage »).

Toile collective

Le projet mûrit au fil des réunions sur Zoom avant de prendre forme lors d’une résidence de deux membres de Hawaf à la Cité des arts, à Paris. Un soir, autour d’un maqloubeh – un plat palestinien typique, composé de riz, de viande et de légumes –, les artistes du collectif et ceux de la diaspora palestinienne échangent leurs visions sur les contours de ce « musée des nuages ». « On veut montrer l’humanité des gens de Gaza, réduire l’isolement de l’enclave et combler le fossé qui la sépare du reste du monde », explicite Marion Slitine, une chercheuse française, membre du collectif qui regroupe désormais une vingtaine d’artistes.

Au printemps dernier, Hawaf réunit une quinzaine de jeunes plasticiens gazaouis à la galerie Eltiqa, l’un des deux seuls lieux d’art de la ville. À chaque participant de l’Atelier du nuage, il a été demandé de sélectionner une œuvre ou un objet de leur quotidien et de les donner au Musée Sahab, qui les a dès lors numérisés. Ces derniers ainsi scannés se dissimulent dans la trame du tableau visible à l’IMA, selon un dispositif de réalité augmentée.

La majorité des participants, nés entre 1996 et 2000, n’ont pas connu autre chose que l’embargo et n’ont pas voyagé à l’étranger. « Ils n’ont pas vu d’œuvres d’art dans un musée en vrai », confie Salman Nawati, aujourd’hui installé en Suède. Lui-même n’a pas oublié sa première découverte d’un musée, à l’âge de 25 ans, lors d’un séjour en 2012 à Brême, en Allemagne. « Vous n’en revenez pas, vous rentrez à Gaza, vous racontez ça, c’est le choc ! Il y a tant de choses qui n’existent pas à Gaza », indique-t-il.

Faire sortir la toile collective depuis la bande de Gaza sous blocus n’a pas été une mince affaire. L’Institut français de Gaza s’est chargé de l’exfiltrer vers Jérusalem. La toile a ensuite cheminé via Tel-Aviv et Leipzig, en Allemagne, avant de rejoindre l’Institut du monde arabe quinze jours avant l’inauguration de l’exposition.

L’initiative de Hawaf est aujourd’hui d’autant plus précieuse que des pans entiers de la ville et de son histoire ont été rasés par le pilonnage de l’armée israélienne. « La plupart des artistes ont perdu leur maison et leurs œuvres », murmure Salman Nawati, qui guette sur son téléphone la moindre notification de sa famille, déplacée dans le sud de l’enclave.

« Ce que la Palestine apporte au monde ». Institut du monde arabe, Paris 5 ?. Jusqu’au 31 décembre. Imarabe.org

Roxana Azimi

Source : Le Monde abonnés

https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/12/03/a-l-institut-du-monde-arabe-un-musee-gazaoui-dans-les-nuages_6203656_3246.html


Sahab Imaginary Museum

L’Avenir du nuage, dessin (détail), 2022. Musée des Nuages, collectif Hawaf. HAWAF

https://www.facebook.com/people/Sahab-Imaginary-Museum/100089080461935/

Expositions

Ce que la Palestine apporte au monde

L’Institut du monde arabe a choisi de donner à voir l’élan et l’irréductible vitalité de la création palestinienne, qu’elle s’élabore dans les territoires ou dans l’exil. Approches muséales plurielles, dialogue photographique entre la Terre sainte « inventée » des orientalistes et celle des contemporains, exposition des précieuses archives palestiniennes de Jean Genet… : c’est à un subtil et intense parcours de correspondances visuelles et de sujets que vous invite l’IMA.

Visites guidées, ateliers jeune public, spectacles, cinéma, rencontres & débats, rencontres littéraires… : six mois durant, c’est tout l’IMA qui se met à l’heure palestinienne ! Découvrez notre riche programmation et réservez vos billets

Tanya_Habjouqa_Ocupied Pleasures

31 mai 2023 – 31 décembre 2023

https://www.imarabe.org/fr/expositions/ce-que-la-palestine-apporte-au-monde

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