Accueil > Actualité, presse, autres associations > Dernières parutions dans la lettre franco-maghrébine

Dernières parutions dans la lettre franco-maghrébine

lundi 10 juillet 2023, par Anne Doussin

« COEUR BERBERE », roman par Habiba Benhayoune, éditions Ardemment, 2022

Ce roman a beaucoup de charme et une certaine étrangeté, il est sensiblement différent des très nombreux récits qui peuplent la littérature francophone du Maghreb depuis au moins deux décennies, pour ne parler que de ceux qui sont postérieurs à la Guerre d’Algérie et qui comportent en général deux parties : la première retrace l’enfance du narrateur et de la narratrice lorsque la famille vivait encore quelque part au Maghreb, que ce soit dans un village kabyle ou en milieu urbain généralement pauvres, la pauvreté étant la raison de l’exil ; et la deuxième partie se passe dans le pays d’accueil, le plus souvent la France, dans des conditions plus ou moins difficiles d’intégration, parmi lesquels le rôle le plus important est celui de l’école à laquelle les enfants de l’immigration s’adaptent souvent très bien, et avec succès.

CORSE-ALGERIE

La Corse où il est né et qui est pour toujours son principal ancrage, et l’Algérie qui apparaît à deux moments du livre : d’une part pour tout ce qui précède dans sa vie la grande migration vers la France causée par l’indépendance algérienne de 1962 — c’est en gros la première partie du livre ; et d’autre part pour tout ce qu’il raconte dans la seconde partie, « Carnets algériens » c’est-à-dire la vingtaine de voyages de courte durée qu’il a faits en tant qu’universitaire français à la demande de collègues d’Algérie pour des colloques, soutenances de thèses, direction de travaux d’étudiants, etc.

Un album : « Je ne partirai pas ».

C’est une rencontre à Lyon où Mohammad Sabaaneh était invité par Lyon BD Festival que Simona Gabrieli a découvert les œuvres de Sabaaneh, peintre et dessinateur de presse palestinien reconnu.
La technique de dessin qu’il utilise : la linogravure, des dessins blancs sur noir, chaque image devient un tableau qu’on aimerait mettre à son mur. Le livre raconte, ou plutôt nous donne à imaginer le dialogue entre un prisonnier et un oiseau. L’histoire est inspirée par l’expérience d’emprisonnement qu’a vécue l’auteur en 2013 pendant plusieurs mois. La caricature politique n’est pas dans cette partie du monde une assurance de vie paisible…
« Tu fournis les crayons, je fournis les histoires », c’est le pacte initial entre le dessinateur enfermé et l’oiseau messager. « Un homme en cage est comme un oiseau en cage. Notre force naît de nos rêves de liberté ». C’est donc un message poétique puissant que transmet le splendide dessin de Mohammad Sabaaneh. Mêlant l’espoir et le désespoir. Ainsi la naissance du bébé de Manal et Amir au check point de Kafr Arab où le garde a refusé de les laisser passer « mais le bébé, lui, a refusé d’obtempérer » dit une image montrant Amir brandissant son fils hurlant (déjà !) contre le soldat. Tragico-comique, la présence constante dans le ciel gazaoui de la « zenana », gros drone de surveillance qui envahit la vie des habitants. Insoutenable le récit de l’instituteur de Ramallah qui n’en finit pas de se voir annoncer la mort de ses élèves, au point de ne plus pouvoir constituer une équipe de foot. Mohammad raconte aussi à son ami l’oiseau l’histoire de son frère, qui, emprisonné, n’a pas pu voir naître et grandir sa fille et qui a eu tant de mal à sa première sortie de prison à la convaincre qu’il n’était pas une photo, et à créer enfin le lien d’attachement.
Tragique récit aussi de l’auteur qui, un temps a peint des portraits de martyrs. « Monsieur, le jour où je serai martyr, c’est vous qui ferez mon portrait ? », lui demande le petit frère d’un de ces martyrs. Et il sera hélas le dernier portrait que Mohammad acceptera de peindre.

Et malgré cela, quand les autres oiseaux avec qui échange le messager ailé proposent « emmenons-les tous avec nous loin d’ici », il répond ; « non, derrière toutes ces histoires, il y a justement leur refus de partir. Moi, j’admire leur combat : JE NE PARTIRAI PAS ».
Ajoutons que, pour faire comprendre au lecteur le contexte dans lequel ce livre est écrit, la chercheuse Faten Jouini nous donne à lire en fin d’ouvrage quelques notes sur l’histoire et les situations administratives vécues par les Palestiniens du fait des gouvernements israéliens.
Un très beau livre, dont on ne sort pas indemne.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.