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Des livres, des films : lettre culturelle franco-maghrébine 56

jeudi 15 juillet 2021, par Anne Doussin , Gérard Martin

Gérard Martin nous adresse régulièrement les lettres culturelles franco-maghrébines de l’association Coup de Soleil. On y trouve des présentations de livres et de films en rapport avec les pays du Maghreb, principalement l’Algérie.

Quelques extraits des présentations des livres

« ALGER 1957, LA FERME DES DISPARUS » par Jean-Philippe Ould Aoudia, éditions Tirésias 2021.

Ce petit livre vient s’ajouter à quelques autres du même auteur qui depuis la fin de la Guerre d’Algérie s’emploie à dénoncer un certain nombre de crimes commis à cette époque et restés impunis. Sans aucun doute, il a été motivé, au départ de son entreprise, par l’assassinat de son père Salah par l’OAS le 15 mars 1962 en compagnie de 5 autres membres des Centres sociaux organisés par Germaine Tillion pour tenter de lutter par des moyens éducatifs contre la violence de la guerre civile qui ravageait l’Algérie. Mais on voit bien aussi et notamment dans cette « ferme des disparus » que son projet va au-delà et qu’il est animé par un but très précis : ne pas laisser dans l’anonymat la mort des très nombreux Algériens « disparus » (c’est évidemment un euphémisme) selon une procédure expéditive reproduite plusieurs milliers de fois : on enlève une victime sans défense prise parmi la population civile, on la séquestre sans préavis et clandestinement, on la torture, on la tue finalement et on fait disparaître son corps, dont la famille n’aura jamais la moindre nouvelle. L’exemple le plus connu est celui de Maurice Audin (disparu le 21 juin 1957) puisqu’on en a parlé récemment au plus haut niveau de la République française, mais il ne s’agit évidemment pas d’un fait isolé ni même exceptionnel puisque pour la seule année 1957, on a dénombré plus de 3000 cas de ces « disparitions » dans la région d’Alger, devenue à son tour le lieu des affrontements après une période où la guerre avait sévi principalement dans les maquis de l’intérieur (« le djebel »).../...

« MON CHER ALBERT, LETTRE A CAMUS » par Martine Mathieu-Job, éditions Elyzad, 2021
Ce petit livre, d’une centaine de pages, a bénéficié du concours de l’Institut français de Tunisie bien que par son titre, il indique une position originale, volontairement discrète, au sein de l’énorme masse de publications sur Camus qui déferlent depuis une dizaine d’années. On sait en effet quel prodigieux retour à Camus a marqué le centième anniversaire de sa naissance en Algérie le 7 novembre 1913. Et c’est une position privilégiée que celle de Martine Mathieu-Job auteure de cette Lettre à Camus du fait qu’elle arrive un peu après le plein moment de cet incroyable engouement. Il n’est plus nécessaire aujourd’hui de rappeler tout un ensemble de données notamment biographiques mais aussi historiques qui sont indispensables pour comprendre Camus, l’homme et l’œuvre étant désignés sans distinction par ce même nom.../...

« NOSTALGERIADES, NOSTALGIE, ALGERIE, JEREMIADES » de Fathia Agag-Boudjahlat, 139 p. Ed du Cerf, 2021-05-10
Pamphlet féministe et laïc contre les jérémiades et les phantasmes « identitaires » ? Oui, par une écrivaine à la plume vive et acérée, argumentant à partir de lectures étendues, à partir de son expérience de prof d’histoire-géographie en collège et plus encore de sa réflexion sur une vie familiale de fille d’immigrés algériens. L’anecdote de son frère entrant (pour trois jours…) en politique « RN » fait bien sûr parler d’elle (le « M » du Monde du 8-10 mai 2021, p. 24) plus que ce qu’elle dit ou écrit.
Mais c’est son Nostalgériades qu’on a lu d’une traite et aimé.../...

« D’AMOUR ET DE GUERRE » par Akli Tadjer, roman, éditions Les Escales, mars 2021

Ce roman donne l’impression qu’on est conduit d’une main sûre, à travers des péripéties nombreuses mais d’autant plus faciles à suivre qu’elles sont présentées dans un ordre chronologique linéaire, ponctué par quelques dates au cours des 4 ou 5 ans que dure l’action, c’est-à-dire le temps de la Deuxième guerre mondiale.
.../... Rien que son titre est révélateur : il s’agit d’associer une histoire d’amour, au sens personnel du mot, à un épisode de la grande Histoire, collective voire mondiale. S’agissant de la guerre provoquée par Hitler et qui a commencé en 1939, même en Kabylie où vit alors le jeune Adam Aït Amar.../... Le jeune héros Adam, ses compagnons kabyles et indirectement celle qu’il aime la belle Zina, sont doublement victimes, non seulement d’une guerre qui ne les concerne en aucune façon alors qu’elle les frappe cruellement, mais de la situation d’ensemble dont l’implication forcée dans la guerre n’est qu’un avatar. Ils sont des colonisés dans une Algérie qui est alors dite française, où les Français imposent leur loi sans ménagement, le relais par les caïds locaux n’étant pas la moindre des humiliations.../...

Et des films...

« DES HOMMES », film de Lucas Delvaux d’après le roman éponyme de Laurent Mauvignier
Tous ceux qui ont lu le roman de Laurent Mauvignier(sorti en 2009) et qui l’ont apprécié à sa juste valeur, se sont sans doute dit qu’il y avait là matière à un film lui aussi terrible et puissant, à condition que le réalisateur sache résister à la force des images, qu’elles soient belles comme celles des paysages algériens ou horribles comme celles de la guerre et des tueries. Or sur ce point on peut se montrer d’emblée rassurant : ces deux types d’images existent dans le film de Lucas Belvaux mais jamais il n’en abuse et l’on sent au contraire sa volonté d’en user avec beaucoup de réserve. Pour ce qui est des paysages, la raison en est peut-être que le film ayant été tourné au Maroc, mieux valait ne pas être trop précis ni insistant. Et pour ce qui est des images de guerre, le réalisateur se serait montré infidèle à lui-même et à son propos en les mettant au cœur de son film, dont on voit bien qu’il le voulait très décalé par rapport à ce que serait un film dit d’action.../...

« 143 RUE DU DESERT » film de Hassen Ferhani, 2019, sortie en France Juin 2021

« 143 rue du désert » est un titre ironique, évidemment, car le moins qu’on puisse dire est qu’il n’y a aucune rue à l’endroit où se situe l’action : en plein désert assurément, sans rien d’autre que de la terre caillouteuse à perte de vue et un médiocre bâtiment en construction dont on ne comprendra que tardivement ce qu’il est. Cependant deux traces de vie ont réussi à s’implanter là, c’est-à-dire à 900 km au sud d’Alger, a proximité de la frontière avec le Niger. La première est une piste carrossable, assez peu visible, qui traverse le sable et sur laquelle passe un nombre non négligeable de camions petits ou gros ; la seconde est une petite maison, une bicoque dirait-on plutôt, pourvue d’une installation rudimentaire. Mais, et c’est en cela que tout est transformé, voire métamorphosé : cette bicoque est habitée par une personne appelée Malika, qui est l’âme de la maison et même de tout ce coin du désert que personne d’autre n’habite ; c’est un petit miracle qu’elle soit là (pour le moment du moins, comme on le comprendra par la suite), elle que tout le monde appelle Malika et qui revendique sa solitude, en l’absence de toute famille avec laquelle elle pourrait avoir des liens.
Malika est une exilée volontaire au cœur du désert, elle y a créé son monde qui est bien réel, constitué par les camionneurs ravis de s’arrêter chez elle en chemin et dont certains sont devenus de véritables amis .../...

« LES VISAGES DE LA VICTOIRE » documentaire par Lyèce Boukhitine 2020

Ce film est le premier long métrage du réalisateur qui pour autant n’est pas un débutant, et s’est fait connaître aussi comme acteur et scénariste, formé en partie à Lyon à ces différentes formes d’art dramatique. Il n’en est pas moins vrai que « Les Visages de la Victoire » donnent le sentiment d’être une sorte d’aboutissement, dans un parcours personnel qui le ramène à l’origine (il est né en 1965) et même en deçà, puisque l’une des quatre femmes immigrées auxquelles le film est consacré est sa propre mère Chérifa. Les trois autres, Aziza, Jemiaa et Mimouna, complètent ce que dit la première avec quelques variantes mais sans jamais la démentir. Sur un point seulement la variante est importante : on la trouve chez Jemiaa qui n’a que du bien à dire de son défunt mari et lui rend hommage pour les années heureuses qu’elle a connues avec lui ; il ne représente pas la règle générale mais rien ne permet de dire qu’il soit une rare exception.../...

Vous trouverez ici le lien pour lire cette lettre dans son intégralité.

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