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Grosse affluence à la soirée pour exiger la vérité sur l’assassinat de Maurice Audin

jeudi 27 mars 2014, par Michel Berthelemy

« J’ai une nouvelle encourageante. Au cours d’un transfert en jeep, votre mari s’est évadé, vous pouvez espérer le revoir » quand Josette Audin entend ces mots de la bouche du colonel Trinquier, elle comprend immédiatement qu’elle ne le reverra pas, les tentatives d’évasion étant une méthode courante à l’époque pour couvrir les exécutions sommaires. Josette Audin porte plainte pour homicide volontaire. 57 ans après, elle n’a toujours pas de réponse à ses questions.

parcours audin à alger, par ernest pignon-ernest

Ce lundi 24 mars, à l’appel de la Ligue des Droits de l’Homme, de Mediapart et des Amis de l’Huma, auquel ont répondu notamment plusieurs membres de la 4acg, dont son Président, la grande salle du Tarmac à Paris était comble. L’objet de la soirée : demander la vérité sur l’assassinat de Maurice Audin, sur l’usage systématique de la torture ainsi que sur les violations massives des droits de l’homme par l’armée française en Algérie.
« Nous estimons que les autorités françaises ne peuvent plus continuer à se taire » déclare Gilles Manceron. « Qui a donné l’ordre de tuer ? Un membre du gouvernement ? Le Président du Conseil Bourgès-Maunoury ? Le ministre résident Robert Lacoste ? ».

La projection du film de François Demerliac, Maurice Audin, la disparition, rappelle les faits et les circonstances de l’arrestation du jeune mathématicien, le 11 juin 1957 à son domicile à Alger, et les derniers mots qu’il a prononcés en croisant Henri Alleg dans la salle de torture : « c’est dur, Henri ». Ils ne se reverront plus.
Dans le débat qui suit, l’historien René Galissot rappelle que, si certains officiers généraux ont reconnu leur responsabilité, le Pouvoir politique, lui, ne l’a jamais fait. Or, René Galissot le dit clairement : il y a eu double complicité politique : complicité pour l’exécution, et complicité pour l’impunité qui a suivi. Ce qui lui permet de dénoncer une troisième forme de complicité, qui est celle du silence aujourd’hui observé par le Pouvoir, notamment par le refus de mettre les archives (du moins celles qui n’ont pas disparu) à la disposition des chercheurs. Autre thèse avancée : Maurice Audin aurait été « ciblé » parce qu’il était communiste, dans la continuité des liquidations de combattants communistes en Indochine par les mêmes responsables militaires qui en revenaient.

Sur le point précis des derniers « aveux » d’Aussaresses *, l’historienne Malika Rahal met en doute leur crédibilité, eu égard aux « mensonges et propos parfois délirants » du vieux général, qui aimait brouiller les pistes et adapter ses versions de l’histoire à ses interlocuteurs. Elle relève pourtant un aspect positif dans ces entretiens : la révélation de l’existence et de la localisation possible de fosses dans lesquelles ont été jetés les cadavres de très nombreux combattants morts sous la torture. Des recherches pourraient alors être entreprises, dans l’espoir de retrouver des traces du corps de Maurice Audin. Une démarche devrait être engagée dans ce sens auprès des autorités algériennes.

Un autre élément pourrait permettre une avancée dans cette quête de la vérité : la découverte, par Nathalie Funès, journaliste au Nouvel Observateur, des carnets du colonel Yves Godard, qui commandait la zone Alger-Sahel. « J’ai découvert ce document », précise la journaliste, « à l’Université de Stanford, aux Etats-Unis. Selon ces carnets, Audin a été tué sur ordre par le lieutenant Gérard Garcet. Or les propos tenus par Aussaresses peu avant sa mort, confirment cette désignation de l’exécuteur et affirment que l’ordre venait du général Massu ».

Les interventions de Sadek Hadjerès et de Alain Ruscio resituent les faits dans le contexte de l’époque, le premier en expliquant et développant les liens et relations parfois très dures entre le FLN et le mouvement communiste algérien, le second en brossant un historique des positions, parfois fluctuantes, de l’action du parti communiste français durant toute cette période.

Après lecture d’un extrait du livre de Michèle Audin, Une vie brève, consacré à son père, Charles Silvestre lit l’Appel lancé ce jour aux autorités (voir PJ). Puis Gilles Manceron conclut en inscrivant la démarche d’aujourd’hui dans le sillage de l’Appel des Douze lancé le 31 octobre 2000 dans l’Humanité. Il rappelle les nombreuses demandes de Josette Audin, qu’elle a réitérées dans sa lettre envoyée le 24 février 2014 au Président de la République, toujours sans réponse à ce jour. Gilles Manceron demande enfin que soit reconnu le crime d’Etat qu’a été l’assassinat de Maurice Audin, ainsi que la pratique de la torture et les violations massives des droits de l’homme commises par l’armée française durant la guerre d’Algérie.

*« La Vérité sur la mort de Maurice Audin », de Jean-Charles Deniau, Editions des Equateurs.

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