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Hommage aux militants anti-colonialistes Nils Andersson, Alice Cherki, Nelly Forget et à l’association des Anciens Appelés en Algérie et leurs Ami(e)s Contre la Guerre (4ACG)

dimanche 28 avril 2024, par Michel Berthelemy , Christian Travers

Cette magnifique réunion qui a eu le lieu, de 18 h 30 à 22 h, le 23 avril, a rassemblé au Maltais Rouge à Paris, environ 70 personnes, malgré une jauge limitée en principe à 60 personnes. Elle était organisée par Le Forum France Algérie dont le président est Farid Yaker. Pour la 4ACG cinq personnes invitées avaient pu se présenter : Stanislas Hutin, Michel Berthelémy, René Moreau, Robert Simon et moi-même.

par Christian Travers

Alice Cherki. Nils Andersson. Nelly Forget

Il s’agissait ce soir-là de rendre hommage à trois personnalités de premier plan ayant œuvré pour la libération du peuple algérien, et à la 4ACG dont beaucoup de ses membres ont manifesté pendant la guerre leur soutien au peuple algérien

Parfaite organisation. Ambiance respectueuse et chaleureuse. Interventions marquantes. Difficile de restituer succinctement la richesse et plus encore l’atmosphère de cette belle manifestation.
Les interventions se sont déroulées en 4 séquences :

1- Restitutions filmées à partir de compilations  

4ACG : à partir des films En finir avec la guerre de Mehdi Lallaoui et de celui d’Hubert Rouaud Donner un sens à ce qui n’en avait pas, très nombreux extraits, montrant la souffrance des appelés entraînés dans une guerre qu’ils désapprouvaient, puis leur refus de toucher pour eux-mêmes une pension de combattant et enfin le réinvestissement des sommes récoltées par l’association pour des projets de développement en Algérie et en Palestine.

Nils Andersson  
Diffusion partielle d’un très long témoignage livré à l’INA. D’abord diffuseur de certains livres en Suisse et ayant à ce titre une relation avec Jérôme Lindon, qui dirigeait les Éditions de Minuit, il est sollicité pour republier La question d’Henri Aleg qui venait d’être interdit en France. Ne voyant pas la possibilité de trouver un éditeur suisse prêt à le faire, il décide d’assurer lui-même cette publication et devient éditeur. Le livre paraît à nouveau 14 jours plus tard.
C’est un long chemin qui commence et avec François Maspero il devient le principal éditeur des livres qui incarnent le courant révolutionnaire de l’époque. C’est également lui qui assure la diffusion vers la France des premiers numéros de El Moudjahid. Il participe au mouvement Jeune résistance et son militantisme s’exerce alors en soutien des réfractaires, des déserteurs et des membres du FLN transitant par la Suisse.

Nelly Forget 
Diffusion partielle du très long témoignage qu’elle a livré à l’INA et qui tente de retracer l’engagement sans failles de Nelly, que nous avions accueillie à notre dernière Assemblée Générale. Son engagement permanent est social, culturel et pédagogique.
Lorsqu’elle arrive en Algérie elle est éblouie par la beauté du pays, la vitalité et la chaleur de son peuple, mais aussi par le terrible racisme ambiant. Elle travaille d’abord dans un bidonville de la banlieue d’Alger et est sollicitée par Germaine Tillion qui vient de créer les Centres Sociaux. Son action qui vient en soulagement du peuple algérien attire l’attention des autorités militaires qui voient en elle une complice du FLN et qui la soupçonne d’accueillir des combattantes algériennes. C’est ainsi qu’elle est arrêtée puis torturée à la villa Sésini, de sinistre mémoire. Elle est ensuite emprisonnée à Barberousse. À sa libération elle estime que pour elle la vie en Algérie est devenue impossible et elle rentre en France avant de s’engager à nouveau pour poursuivre ses actions sociales en Algérie.
Devenue secrétaire de Germaine Tillion, elle est aujourd’hui la responsable de l’association qui porte le nom de l’ethnologue.

Salah Ould Aoudia et les Centres Sociaux
Puisque Nelly Forget évoquait les Centre Sociaux il était pertinent d’évoquer également l’assassinat de Château-Royal, dans la commune d’El Biar, près d’Alger : le 15 mars 1962, six dirigeants des Centres Sociaux, Marcel Basset, Robert Eymard, Mouloud Feraoun, Ali Hammoutène, Max Marchand, et Salah Ould Aoudia étaient assassinés par un commando Delta.
Le fils de Salah, Jean-Philippe Ould Aoudia a à cœur d’honorer chaque fois qu’il le peut son père et les cinq autres victimes de cette cruelle opération. Un extrait d’un petit film réalisé par François Demerliac a été diffusé et l’on voit Jean-Philippe évoquer cette tragédie et le fait que l’armée était exaspérée par l’action sociale de ces Centres. Ils étaient étroitement surveillés et plus de 10% de ses membres ont été arrêtés.

Alice Cherki
Diffusion partielle du très long témoignage qu’elle a livré à l’INA. Alice Cherki est née de deux parents juifs et elle a découvert sa judéité lorsque, sous l’occupation, et sur ordre du Maréchal Pétain, les enfants juifs ont été écartés des écoles de la République. Sa famille était pour l’indépendance du pays et à la fin de son adolescence elle a rejoint l’AJAS (Association Jeunesse pour l’Action Sociale). C’est là qu’elle a rejoint des militants indépendantistes.
Après des études de médecine elle a rejoint l’hôpital de Blida où exerçait Frantz Fanon. Rencontre marquante aussi bien sur le plan politique que sur le plan psychiatrique où le médecin martiniquais inaugurait des méthodes de traitement innovatrices.
Redoutant prison et tortures elle choisit de s’exiler en France où elle fréquente les militants FLN et le réseau de Francis Janson en poursuivant ses activités médicales.
Afin de compléter ses études en psychiatrie et grâce à une bourse du GPRA elle séjourne à Leipzig en RDA et revient exercer son métier en Tunisie puis en Algérie où elle assiste à la liesse populaire du 5 juillet 1962, avant de quitter le pays, après de coup d’État de Houari Boumediene.
Ensuite sa carrière de psychiatre/psychanalyste s’exercera principalement en France mais aussi en Algérie.

2 - Interventions dans un champ plus large 

Après ces récits filmés qui ont duré près de 1 h 30 la parole est donnée à divers intervenants :
Farid Yaker indique l’importance d’évoquer la vie de ces personnalités et le travail de l’association 4ACG. Transmettre ces précieux témoignages pour les nouvelles générations est un devoir.
Gilles Manceron évoque la création du site LDH-Toulon qui, à la mort de son créateur François Nadiras, a été scindé en deux parties, l’une est restée LDH-Toulon, l’autre est devenue Histoire coloniale et post coloniale longtemps animé notamment par François Gèze. Ce site concentre ses articles sur les colonisations et les traces qu’elles laissent dans la société (un article a été publié sur notre site : rubrique Actualité, presse… le 24 02 2024) https://www.4acg.org/Presentation-du-nouveau-site-de-l-association-Histoire-coloniale-et-post
Sarah Benilman rend compte de ses travaux consacrés à l’héritage franco-algérien dans la société française. Elle indique que l’histoire de la colonisation est mal transmise à l’école et que l’idéologie anticoloniale doit dépasser les identités nationales ou religieuses. Elle est l’autrice de podcasts déjà signalés où apparait notamment Stanislas Hutin : son nom Mazal signifie en arabe comme en hébreu : étoile.
Lyazid Benhami anime un Groupe de Réflexion sur l’Algérie (GRA). Il rend hommage à tous ceux qui ont soutenu le mouvement de résistance algérienne. À tous les militants, aux trois personne présentes à ceux des réseaux Jeanson et Curiel, aux appelés qui ont su résister, aux journaux dont l’engagement à été précieux comme France observateur, Témoignage chrétien, L’express, le Monde, Esprit, Les temps modernes, au soutien des éditeurs comme Jérôme Lindon, François Maspero, Nils Andersson, aux avocats comme Jacques Verges et Gisèle Halimi. Et il conclut en disant que ces personnes et ces groupes n’ont pas eu la reconnaissance qu’ils méritaient des deux côtés de la Méditerranée. Il salue l’action des associations ACCA (Agir Contre le Colonialisme Aujourd’hui) et 4ACG (Anciens Appelés en Algérie et leurs Ami(e)s Contre La Guerre.

3 – Hommages complémentaires  

Suivent ensuite des témoignages et hommages appuyés et personnels :
Par Madame Barkathoum Ferhati, historienne, anthropologue, architecte, en direction de Nelly Forget,
Par Christian Phéline après des études à l’IEP et à l’ENA, il est membre aujourd’hui de l’institut-Tribune-Socialiste/Centre Jacques Sauvageot, l’héritier du PSU. Brillante évocation des étapes majeures de la vie d’Alice Cherki,
Par Abdennour Keremane : Ingénieur des Ponts et chaussées, ancien ministre de l’Industrie et directeur en Algérie de l’École Nationale des travaux publics. Il rend hommage à la 4ACG et aux trois personnalités qu’il salue avec respect en indiquant qu’il y a encore à faire aujourd’hui. Il souligne les aspects psychologiques essentiels apportés par les militants français. Ils donnaient confiance dans la révolution en cours et apportaient du baume au cœur. Il rappelle que les peuples marocains et tunisiens ont fourni aussi une aide précieuse pour l’accès à l’indépendance du pays.
Par Aïssa Khadri : enseignant chercheur en sociologie qui a beaucoup travaillé sur le colonialisme. Il rend hommage aux personnalités citées et aimerait que l’université reconnaisse le travail des hommes et femmes généreux, courageux et engagés qui ont soutenu la révolution algérienne.
Il indique que Mohamed Harbi qui a été informé de cette réunion et qu’il a eu au téléphone s’associe à l’hommage rendu.
Par Jacqueline-Messaoudia Gozland, juive algérienne, qui intervient souvent avec moi dans les collèges et les lycées. Elle connait bien Nils et Alice et leur rend un hommage chaleureux. Elle a découvert le beau parcours de Nelly qui a ses yeux apporte une contribution chrétienne, qu’elle salue, à la libération du peuple algérien.

4 - Interventions à la tribune des personnes et entités honorées

Pour finir, Alice Cherki, Nelly Forget, Nils Andersson, et la 4ACG sont appelés à conclure la réunion en quelques mots. Les trois personnalités, après avoir remercié d’avoir été invités à cette manifestation, tiennent chacun à rappeler quelques noms illustres qui ont également travaillé à l’indépendance du peuple algérien.

J’ai été pour ma part été appelé à représenter la 4ACG. Cela m’a permis de signaler que cette année 2024, la 4ACG fêtait son vingtième anniversaire. J’ai donc commencé par évoquer la personnalité des « petits éleveurs de brebis » du Tarn et de l’Aveyron et ce qui les avait conduits à refuser pour eux-mêmes leur pension de combattants et que c’était ce geste qui constituait l’identité fondatrice de l’association. J’ai indiqué que notre association était laïque et indépendante et que ses membres adhéraient à une charte principalement inspirée par les droits de l’homme, qu’elle regroupait des réfractaires mais aussi et surtout des appelés qui sur place se sont révoltés contre la torture et des ordres qui attentaient à la morale et aux droits de la personne humaine.

J’ai signalé que de nombreux ami(e)s qui partageaient nos valeurs avaient rejoint notre association avec l’intention qu’elle perdure.

J’ai précisé qu’aujourd’hui l’association participait à de nombreuses manifestations qui commémorent des événements tragiques de la guerre et que, principalement elle soutenait financièrement dans un but de réparation des nombreuses associations algériennes mais aussi palestiniennes, car ce peuple connaît aujourd’hui la guerre et l’oppression coloniale. J’ai pu également évoquer notre désir de fraternisation avec le peuple algérien à l’occasion de voyages en Algérie mais aussi sur le sol français. Et enfin que nous assumions chaque fois que possible un devoir mémoriel en transmettant aux élèves des collèges et des lycées le récit de l’expérience traumatique que nous avons vécue avec le souci d’éveiller les consciences des nouvelles générations et de communiquer un message de tolérance et de paix.

C’était pour moi, c’était pour la 4ACG, un grand honneur de figurer, à la même estrade que des personnalités aussi prestigieuses.

Cette reconnaissance, je me devais de la partager avec tous les membres de notre association et particulièrement avec les fondateurs encore vivants, et avec ceux, hélas décédés, que nous n’oublions pas.

Cerise sur le gâteau le journal algérien El Watan a informé ses lecteurs de cet hommage où figure en bonne place la 4ACG. Voici l’article :

https://elwatan-dz.com/guerre-de-liberation-nationale-le-forum-france-algerie-rend-hommage-aux-anticolonialistes

Christian Travers

Et pour ceux désireux d’en savoir plus :

https://entretiens.ina.fr/guerres-algerie/Nils-Andersson/nils-andersson/biographie
https://entretiens.ina.fr/guerres-algerie/Nelly-Forget/nelly-forget/video
https://entretiens.ina.fr/guerres-algerie/Alice-Cherki/alice-cherki/biographie
https://bed.bzh/fr/films/en-finir-avec-la-guerre

Forum France Algérie

https://www.forumfrancealgerie.org/index.php

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