Témoignages sur la guerre d’Algérie au collège Gustave Flaubert, le 26 avril 2024

Depuis plusieurs années nous sommes invités à intervenir au collège Gustave Flaubert, dans le treizième arrondissement de Paris pour apporter, en écho au cour d’histoire du professeur Kamel Chabane, le récit de notre expérience algérienne et notre ressenti après cette guerre.

Ce professeur militant fait partie du collectif d’enseignants regroupés sous le titre de leur premier livre Territoires vivants de la République - Ce que peut l’école - Réussir au-delà des préjugés dont j’ai déjà décrit les objectifs et signalé les publications. Il s’agit pour ces enseignants, qui travaillent dans des quartiers difficiles, de montrer qu’avec écoute, bienveillance, courage et optimisme, on peut non seulement assurer leur formation intellectuelle mais aussi transmettre à ces élèves les valeurs de la République.

Par ce livre et la recommandation d’un Inspecteur Général j’avais repéré ce professeur et depuis 4 ans je peux réunir quelques personnes afin d’apporter aux élèves des témoignages d’acteurs de cette guerre.

C’était cette année Rahim Rezigat qui représentait les indépendantistes, Messaoud Guerfi un ancien harki et moi-même qui représentait les anciens appelés. Nos « discours » sont maintenant rodés et j’ai déjà eu l’occasion dans des comptes-rendus précédents d’évoquer leur parcours pendant la guerre d’Algérie.
Rahim Rezigat ayant rencontré un ancien appelé quelques jours avant notre réunion il l’a invité à se joindre à nous et celui-ci a pu apporter d’intéressantes observations. Il s’agit de Monsieur Dominique Lacaille né en 1937 en Charente-Maritime et qui était affecté dans un bataillon d’infanterie à Bou Saada. Naturellement je lui ai laissé une plaquette de présentation de notre association et ma carte de visite et peut-être sera-t-il un jour parmi nos adhérents.

Classes de 3^e le matin, élèves de CM2 l’après-midi

Face à nous nous avions deux classes de troisième et largement le temps, de 8 h 20 à midi (avec un temps de pause pour la récréation), de faire un récit détaillé et répondre aux diverses questions des élèves.

Notre intervention a été précédée de la projection du petit film d’animation de Bastien Dubois « Souvenir, souvenir… » et, parmi les questions de l’auditoire j’ai pu relever celles-ci qui étaient destinées soit à l’un d’entre nous soit aux trois orateurs à la fois :
- Pourquoi a-t-on appelé Pieds-noirs les rapatriés d’Algérie ?
- Après la guerre comment avez-vous vécu votre retour ?
- Avez-vous eu des regrets d’avoir été combattre ?
- Comme ancien membre du FLN et alors que vous vivez en France sentez-vous une hostilité à votre égard ?
- Avant l’indépendance votre carte d’identité portait la mention franco-musulman. Aujourd’hui, après avoir pris le parti des Algériens, êtes-vous Français ou Algérien ?
- Vos parents possédaient une boutique en Algérie et vous avez souhaité en reprendre l’exploitation après l’indépendance. Mais elle a été réquisitionnée par des Algériens proches du pouvoir. Si on vous la rendait retourneriez-vous en Algérie ?
- Comment avez-vous pu résister aux tortures que vous avez subies ? Comment avez-vous pu vous reconstruire ensuite et mener une vie normale ?
- La guerre vous a-t-elle séparé de votre famille et pendant combien de temps ?

Et comme l’une des précédentes années nous avons eu aussi à intervenir l’après-midi, dans le CDI du collège devant deux classes de CM2 d’une école voisine entraînées par leurs professeures des écoles. Les élèves avaient bénéficié d’une bonne préparation historique par Kamel Chabane et comme la dernière fois nous avons été étonnés de l’attention des élèves, pendant une heure trente et de la spontanéité de leurs questions.

J’ai relevé celles-ci :
- Quand avez-vous été arrêté et quelles sont les tortures que vous avez subies ?
- Comment avez pu échapper au massacre du 17 octobre 1961 ?
- Tous les Algériens soutenaient-ils le FLN ?
- Tous les Européens d’Algérie soutenaient-ils l’OAS ?
- Avez-vous participé à des attentats ?
- Dans le camp du Larzac comment cela se passait pour les prisonniers ?
- Malgré les divisions parmi les Algériens y avait-il une solidarité entre vous au camp du Larzac ?
- Vous étiez contre cette guerre. Quelles étaient vos relations avec vos supérieurs ?
- Regrettez-vous d’être allé combattre en Algérie ?

Christian Travers