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Nomade brûlant, d’Amina Mekahli

mercredi 16 août 2023, par Gérard Webmaster , Philippe Chevrette

En cette période estivale où le temps est suspendu, je vous propose une lecture du roman Nomade brûlant, de la poétesse algérienne Amina Mekhali qui nous a quittés en 2022.

Amina Mekhali nous fait revivre l’histoire d’un jeune garçon né dans le désert algérien et présent pendant la guerre d’Algérie, son arrivée en France et tout ce qui va découler d’une vie d’adulte où son histoire personnelle originelle a été étouffée.

C’est un regard sur une enfance effacée par la présence militaire, une enfance détournée, porteuse de douleur intrapsychique portée au-delà de la Méditerranée.

Comment survivre avec une histoire singulière sur fond de colonialisme qui perturbe les rapports humains. Mais ce petit garçon a une force de vivre pour survivre. Le roman nous entraîne dans les méandres d’un parcours adultes hanté par un chemin torturé et tortueux. Ce roman est un livre poétique, car il nous questionne sinon nous met face à notre existence où les mots sont chargés de douleur mais aussi d’espoir sans contre façon d’une vie meilleure mais d’une vie qui fait son chemin avec son poids d’une terrible histoire mais aussi son poids de souvenirs ancrés sur une culture nomade avec ses valeurs et sa richesse que la colonisation a voulue effacer.

La force du roman d’Amina est la qualité d’écriture poétique au sein de celui-ci. Il peut être un premier livre à faire découvrir sur la période algérienne des années de guerre et la notion d’existence ou la place de sujet est anéantie par un régime colonial. Ce qu’elle fait ressortir se sont les souvenirs de ce petit garçon arraché à son désert natal et transplanté au milieu d’un camp de regroupement et le regard que l’adulte devenu, il perçoit. La force de ce roman c’est sa poésie et le charme de l’écriture mélodieuse de cette auteure.

« Mes souvenirs sont comme une planche pleine de clous, ils m’empêchent de dormir, ils me blessent partout dans mon corps ? ». Ces mots extraits du livre dès les premières pages illustrent bien la douleur d’un passé quel que soit l’être humain. « ?J’ai été heureux dans une enfance sans jouets ni desserts : les dattes étaient notre seule friandise à tous, petits et grands. Oui j’ai eu une enfance heureuse avant d’être enfermé dans ce village où la faim et la maladie tuaient un enfant tous les deux jours, parfois chaque jour, avant de connaître la méchanceté des « ?explorateurs du désert ? » et de leur chef qui distribuaient la vie et bonheur selon leur humeur.? »

Elle aborde, bien évidemment, la politique de la France coloniale et sa pratique à détruire peu à peu l’organisation des modes de vie nomade et ancestral. « ?Plus j’y pense, plus je me dis que la France nous a pas seulement enfermé dans des camps, nous et nos familles, non ! Elle a enfermé l’Algérie toute entière pendant 130 ans dans son passé avec ses ancêtres. Pendant 130 ans personne n’a eu de présent et encore moins de futur, personne n’a évolué normalement comme l’a fait le reste du monde entre-temps ? ».

L’auteure prolonge sa réflexion, par un regard plus présent sur la situation de l’Algérie quand elle fait parler l’enfant devenu adulte qui regarde l’Algérie d’aujourd’hui. Il dit ceci : « Ce nouveau camp de regroupement que sont devenus certains pays comme le nôtre, limité par des frontières, des vraies, par-delà lesquelles la mort non seulement guette ceux qui osent les franchir sans autorisation, mais aussi ceux qui restent pour y vivre dans la misère des grandes villes ou la pauvreté des petits villages… toujours la même rengaine, l’ennemi ce ne sont plus les fellagas. L’ennemi se sont les terroristes cette fois-ci, et toujours des suspects, de la suspicion et le délit de complicité. …un pouvoir temporel devenu mondial pour continuer à enfermer les miens et à les priver de liberté, car ils sont accusés d’être contre le bon déroulement du grand programme pour la paix. »

Les mots sont puissants portés par une poésie qui donne sens à l’humanité et au désir pour chaque être humain de trouver sa place.

Amina Mekhali est une virtuose du mot et nous enchante d’une mélodie douce à notre lecture. Au sein du roman elle insère un texte poétique « ?Je suis de vous ? » qui sera couronné par un prix international de poésie en 2017. « ?Je suis de vous ? » comme il est précisé dans le livre ouvre le dialogue sur les origines et les appartenances. Je rajouterais que ce poème est universel et donne sens à cet accueil chaleureux et humaniste de l’homme du désert. En voilà un extrait :

« Ne me regardez pas comme la pluie sur le désert
Larme du ciel supplié
Ma chair a le goût de vos lois
Mes yeux ressemblent à votre horizon
Et je suis de vous pareil
En mille morceaux comme vous
Éparpillé sur la route du talion
Regardez-moi cueillir les épines de l’amer
Et nulle part où aller sans vous emporter »

Voilà donc le coup de cœur de mon été.

Philippe Chevrette

Nomade brûlant
Amina Mekahli
EAN : 9789961768969
222 pages
ANEP Alger (01/06/2017)

https://www.babelio.com/livres/Mekahli-Nomade-brulant/1155517?id_edition=1353557

https://amina-mekahli.net/

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